J'avais cinq ans. Maison de mon grand'père François sur la Cinquième Avenue à Port-Alfred. Nous habitions le logement du deuxième étage. Cet hiver-là, j'avais découvert l'existence de Maurice Richard. Comment? En entendant mon père et mes oncles parler de hockey, sans doute. Car je ne savais pas encore lire et la télévision n'avait pas fait son apparition. Le soir dont je me souviens, j'étais seul et je lançais des rondelles sur le mur de la maison, alors qu'on n'y voyait à peine. Vire-voletant autour de moi-même, je m'essayais à déjouer un Boston imaginaire, tout en me convainquant qu'un jour je serais la copie-conforme du Rocket!
C'est ainsi qu'elle a commencé, ma carrière de hockeyeur.
Les pères de cette époque construisaient des patinoires extérieures en arrière des maisons. C'est là que nous jouions. Pour rondelles, des galettes que nous avions découpées à l'égoïne sur des rondins de bouleau. Des hockeys tout d'un bout achetés... je ne sais plus où. Des équipes de "p'tits-gars", donc. Les familles étaient nombreuses: il n'était point difficile de réunir deux équipes. Ça finissait souvent en pleurs, comme cette fois où mon ami Jacques reçut la rondelle sur un oeil et s'enfuit chez lui en courant: l'hématome était tellement gros que nous ne voyions plus son oeil.
Mutt ne fut pas en reste: il nous glaça "à la hose" un grande patinoire derrière la maison. Dieu qu'elle était belle et grande, notre patinoire. L'inconvénient, c'est qu'il fallait la gratter lors des bordées de neige. Le temps passait vite sur ces heures glacées: nous étions heureux, Dédé, moi, nos amis, sans que nous nous posassions jamais la question.
En 1950, la Ville de Port-Alfred construisit "Le Palais Municipal". Une patinoire couverte, un "palais", à proprement parler, dont le joyau était une glace artificielle. Nous n'avions droit d'y patiner que les samedi matin. C'était le "free for all". Rien de planifié, rien d'organisé. Des dizaines de joueurs de tous les âges, divisés en deux équipes, les plus vieux, évidemment, comptaient les buts et faisaient la loi. C'est là, le samedi matin, que je vis s'épanouir les meilleurs hockeyeurs baieriverains. J'étais un joueur médiocre, en fait, mais intérieurement je me pensais toujours un Maurice Richard en devenir.
Quelquefois, nous montions au Collège St-Edouard jouer sur la patinoire des Frères. Moments inoubliables. Pas d'arbitre, pas de "plus vieux", que des amis de notre âge. Les parties duraient des heures, des heures de pur bonheur. A la brunante, il fallait descendre la côte de la Quatrième Avenue, en patins!, alors que nous étions fatigués. Nous rentrions à la maison les joues rouge-tomate et l'appétit insatiable. Lulu avait fait des "bonsses" et nous en mangions jusqu'à en être malades. Le samedi soir, quelques heures plus tard, c'était le hockey des Canadiens: nous n'aurions pas manqué ça pour tout l'or du monde. Mutt trônait, dans le coin de la salle-télévision, assis dans le fauteuil vert-foncé, fumant des Craven A, et nous, sa cour, nous l'entourions. C'était sacré, ce hockey du samedi soir. Maman n'aurait jamais osé nous le faire manquer. L'oncle Roméo, lui, regardait le film qui passait à l'autre canal; Mutt en pensait que cet oncle étranger n'était pas un vrai mâle... Ces années-là, le Canadien gagnait tout le temps et, donc, nous nous couchions heureux tous les samedi soir.
Moi, je ne savais pas, en ces temps-là, qu'il faillait pratiquer pour exceller dans un domaine. Il me faudrait des années pour découvrir l'astuce. Je pensais que je saurais tout dès la première seconde et que j'excellerais, sans jamais m'efforcer, dans tous les domaines que j'aborderais. Sans doute parce qu'il en était ainsi à l'école: je comprenais tout du premier coup et n'avais pas besoin d'étudier tellement. Gilles D. n'était pas comme ça. Il adorait le hockey! Il passait des heures sur la petite patinoire qu'Edmour lui avait faite devant l'entrée de leur garage. Il pratiquait ses "slap shots"! Cassait beaucoup de bâtons que son grand'père lui réparait. Ça ne lui coûtait pas cher... Moi, je me disais que plus tard je m'y mettrais, et que j'excellerais aussitôt. Gilles D. aima tellement le hockey qu'il y sacrifia toute sa jeunesse et même ses études, lesquelles n'aboutirent jamais.
Il y avait deux équipes de hockey au Collège Saint-Edouard: les Crans et les Caps. Je fus sélectionné par l'entraîneur des Caps. Je manquai beaucoup de parties: je me sentais mal à l'aise dans ce monde du hockey. On y sacrait, on y manquait de ce fini que mère m'avait enseigné. Un soir, je jouais à la défense; je bloquai un but certain, tout juste devant la ligne des buts. Hermel Larouche, l'autre défenseur -que je craignais, car il était déjà un homme et avait commencé à fumer- me lança:
-C'est beau, Ti-Gars!
Il ignorait jusqu'à mon nom! Ça me fit grand bien, cependant, et je me sentis un rouage important de l'équipe. Hermel quelques années plus tard deviendrait le trompettiste des "Gendarmes".
Petit Séminaire de Chicoutimi. Je ferai partie de quelques équipes. Dont celle qui jouait contre les "Tout Nus" de St-Joachim et les "Brocs" de l'Ecole d'Agriculture. Je serais un "plombier", un joueur de troisième et quatrième trio. Je m'apercevrais alors que j'aurais dû pratiquer davantage, fignoler mon coup de patin et, comme Gilles D., pratiquer mes lancers. Nous jouerions sur des patinoires extérieures et les saisons ne seraient très longues. Pensionnaire les deux premières années, je deviendrais "externe", ce qui mettrait fin à ma carrière de hockeyeur.
Université Laval. Faculté de Philosophie. Cette ligue intramurale regroupant les diverses facultés. C'était compliqué de jouer au hockey ces années-là. Il n'y avait pas de glace sur le campus. Nous devions nous rendre à l'autre bout de la ville. Les philosophes n'étaient pas de gros joueurs de hockey... Nous perdîmes toute l'année. Je crois avoir été le seul ou l'un des rares de la faculté à avoir scoré cette année-là.
Faculté de Médecine. Même ligue intramurale. Je jouais sur le deuxième trio en compagnie de Marcel Germain et d'André Fleury. Je me rendis compte que j'aurais pu devenir un meilleur joueur si... Mon fait d'armes cette année-là? Un tour du chapeau! Trois buts que je n'ai jamais oubliés, dont un sur un lancer du poignet d'une vingtaine de pieds. En fut récompensé par la brasserie Dow, qui me remit un trophée dont, plusieurs années, je ne pus me séparer. Là encore ma saison ne fut pas très longue: la mononucléose infectieuse m'accabla et me mit hors de combat. "Kissing disease". J'avais rencontré à la Baie une belle fille blonde que je ne pouvais m'empêcher d'embrasser et qui envahirait mon être. J'abandonnai le hockey quand on nous amena dans les hôpitaux: le temps manquait, il y avait des risques de blessures, bref, toutes les raisons étaient bonnes.
CriCri nous arriva. Il eut bientôt six ans. Je l'inscrivis à Scadia, les cours de hockey du samedi matin dispensés par la Ville de Chicoutimi. Nous devions nous lever de bonne heure le samedi matin! Cinq heures. La démarche avorta très tôt. CriCri ne semblait pas aimer le hockey passionnément.
Ce fut ensuite Djé. Avec lui, ce fut une autre histoire. Il fit tout son hockey mineur dans les ligues de la Ville. Je lui achetai un but que j'installai à côté de la maison. Des rondelles pesantes, afin qu'il pût pratiquer son lancer du poignet et viser des cibles sur le but. Le Djé était plus talentueux que son père... Meilleur patineur, meilleure vision du jeu. Je me rappelle d'un but qu'il compta à St-Ambroise, un lancer du poignet du dedans du grand cercle rouge: une explosion! Personne dans les estrades ne l'aurait cru capable d'un tel lancer. Des heures de pratique.
Voilà. Je serai aussi associé au hockey Junior Majeur, avec les Saguenéens. Mais, ceci est une autre histoire.
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