dimanche 18 avril 2010

PASTOR MARTIN NIEMÖLLER

Qu'on le veuille ou pas, il y a toujours une histoire derrière... Derrière ces bouts de phrase, ces aphorismes et ces poèmes qu'on transcrit ça et là, pour qu'ils aient oeuvre utile. Penser à l'ébéniste qui ne jette que rarement un bout de planche, surtout si la matière ligneuse est noble. Laisse-moi, Gibus, te raconter celle-ci. Veuille d'abord, si tu le désires, évidemment, lire ce poème attribué au pasteur Möller:
"First th
ey came for the socialists
And I did not speak out
Because I was not a socialist.
Then they came for the trade unionists
And I did not speak out
Because I was not a trade unionist.
Then they came for the Jews,
And I did not speak out
Because I was not a Jew.
Then they came for me,
And there was no one left to speak for me."



Juillet 1999. La Chercheuse Verticale s'est déniché un emploi d'été à Washington, à l'Ambassade du Canada. Il s'agit de l'ALENA. Il me fallut donc, impérativement, descendre à Washinton. Partis de bon matin, nous abordâmes vers dix-sept heures les faubourgs de la Capitale. Nous attendait dans Georgetown un petit hôtel sublime, que nous n'oublierions pas. La Chercheuse devait travailler... ce qui nous laissait de grandes journées à remplir. Washington est belle, elle est vraiment belle. Visite de la Maison Blanche, donc, du Capitole et des alentours, du cimetière que vous savez, Arlington, où Kennedy est enterré, de quelques musées aussi. Notre ambassade, évidemment. Ironie du sort, sortant de l'ambassade, je signerai le livre des invités pour m'apercevoir que la veille est venue la visiter une baieriveraine que je connus très bien dans ma jeunesse et n'avais jamais revue depuis. Canicule qui chapeaute tout ça. Que je supporte sans peine, moi qui claquerai un infarctus dans une quinzaine.



C'était notre dernière journée. Nous partirions le lendemain pour Williamsburg, Jamestown, Mount Vernon, Yorktown et Virginia Beach. Je proposai à Fr. d'aller visiter le Musée de l'Holocauste. Je n'ai pas fait grand étalage de mes motifs. En fait, je pensais tout savoir sur la Shoah... Je déchanterai bien vite. Il y avait une longue file. Nous nous mîmes en patience. Notre tour d'entrer vint finalement. Ces visites dans les musées de l'Holocauste, les camps de concentration, au Nid de l'Aigle, nous coupent la parole, pour ainsi dire. Il semble à notre âme que quelque chose d'éminemment grave se trame dans ces endroits.

C'est alors qu'il s'est montré. Le poème! J'en fus estomaqué. Ne savais pas qu'il existait, moi, l'impudent, qui avais pensé tout savoir. Le relus, et le relus. On en donnait une transcription, dont je m'emparai; ou peut-être l'ai-je encore relu et retranscrit ultérieurement. En tout cas, le voici, Gibus, le poème du pasteur Niemöller. Je l'ai réécrit plusieurs fois depuis, dans mes ordis et mes livrets, histoire de ne pas l'oublier, histoire de ne pas oublier. Quel viatique! Certes, il faut savoir un peu d'histoire politique allemande pour saisir quelques mots... Les "socialists", ce sont les communistes, et les "trade unionists", ce sont les syndicalistes. Pas de problème pour le mot "Jews".

Niemöller , un chrétien protestant, penchait au début du côté des nazis. Quand il s'aperçut du sort qu'on réservait aux juifs -nous sommes alors avant la guerre-, il fonde une ligue de pasteurs allemands dans le but de s'opposer. Ils furent tous emprisonnés. Niemöller lui-même fut interné à Dachau jusqu'à la libération. Ne mourut qu'en 1984.

Mon point? Prendre parti, dans cette vie. C'est souvent si difficile. Beaucoup plus facile de rester chez soi, à lécher sa quiétude. Une grande partie de ceux qui ont pris parti contre le national-socialisme l'ont payé de leur vie. Garcia Lorca a été retrouvé assassiné dans une fosse commune. L'abbé Jean-Paul nous l'avait dit autrement, quand il nous avait fait lire Jean Barois: "Il vous faut vous placer!" Prendre parti, c'est aussi s'opposer, c'est souvent s'opposer... Et il y a un prix à payer. Presque tout le temps. Prendre parti, c'est peut-être perdre une amitié, une promotion, un emploi; c'est être haï, laissé de côté, ignoré, oublié...

... "there was no one left to speak for me."

Delhorno


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