Je sors à peine du bloc opératoire, où je viens de terminer une cholécystectomie laparoscopique. Tout s'est bien passé. Une mère de trois enfants, vingt-six ans, six «crises de foie» depuis les Fêtes. Elle m'a fait pitié un peu, de sorte que je lui ai proposé de l'opérer cet après-midi, fête de la Reine. De l'autre côté de la rivière, j'aurais dû écrire «fête des Patriotes»... Mais là n'est point mon propos.
Mon anesthésiste était docteur Sinah, un Indien d'Inde. Il était professeur dans un hôpital universitaire dans son pays, spécialisé en chirurgie cardiaque; adorait son métier. A reçu un appel d'un compatriote habitant déjà le Canada. Sa femme lui a dit: «Va voir comment c'est, et si tu aimes ça, je viendrai te retrouver.» Ils sont ici, lui, sa femme, son petit garçon, depuis quelques années. Retourneront finir leurs jours en Inde. La mère de docteur Sinah vient de mourir.
Mon assistant? Docteur Beshay. Un Egyptien qui n'a pas hésité un instant à délaisser le pays de Ramsès dès l'instant où on lui a offert un travail, ici, à Campbellton. Celui qui n'a jamais visité l'Egypte ne pourra jamais s'imaginer l'énormissime hiatus qui sépare Le Caire de Campbellton. Docteur Beshay, donc, s'est installé sur la caméra et sans mot dire m'a montré ce qu'il me fallait.
Sinah et Beshay parlent l'anglais avec un accent épouvantable. Je peine à les comprendre. De plus, ils n'ont pas le même accent. Moi, je comprends bien l'anglais des Canadiens et celui des grands réseaux américains.
J'y arrive! Peux-tu croire, Gibus, peux-tu croire, McPherson, une cholécystectomie laparoscopique dans les mains du plus disparate des trios: un Indien de Bombay, un Egyptien du Caire et un Saguenéen de Chicoutimi! Dans un bled du bout du monde que ses propres enfants délaissent, où bien des néobrunswickois ne veulent pas venir, où bien des Canadiens ne veulent pas venir, où l'anglais et le français se collisionnent depuis plus de deux siècles... Et ça marche! Une macédoine...
Delhorno
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