jeudi 18 février 2010

LE TEMPS DES FANFARES

Tout a commencé par une flûte à bec... Au Collège St-Edouard. Tout innocemment. Je n'en jouais pas beaucoup. Quelques airs de Noël. «Au Clair de la Lune», «St-Louis Blues». Je ne détestais pas ça... Ma mère jouait du piano à l'oreille, mon père avait joué du saxophone dans la fanfare de Port-Alfred.

Un bon jour, monsieur McLean apporta un trombone à coulisse à la maison: la fanfare recrutait, manquait de joueurs de trombone. Il fallait savoir la clef de FA pour jouer du trombone à coulisse, ce que j'ignorais. J'étais incapable de suivre. Pourtant, ce n'était pas si difficile. Je me dis aujourd'hui que si monsieur McLean m'avait donné un peu de temps, avait montré un peu plus de leadership, je serais aujourd'hui tromboniste.

J'arrivai alors au Petit Séminaire de Chicoutimi. Avais à peine 16 ans. L'abbé Guy Potvin montait un orchestre de flûtes à bec. J'embarquai derechef. Et peu de temps après , il organisait une fanfare ainsi qu'un orchestre de jazz. Je devins joueur de clarinette basse et de saxophone baryton. IN THE MOOD, I LEFT MY HEART IN SAN FRANCISCO, IN A SENTIMENTAL WAY, BEGIN THE BEGUINE, c'est à l'orchestre du Petit Séminaire que j'ai connu ça.

En même temps, chez nous à Port-Alfred, il y avait la fanfare sous l'égide de monsieur Fernand Simard, un ami de jeunesse de ma mère. J'avais de l'énergie à revendre... Je devins clarinettiste et saxophoniste à la fanfare de Port-Alfred. L'année d'après, la fanfare de Port-Alfred devenait la fanfare du Régiment du Saguenay et j'endossai donc l'uniforme rouge et noir du régiment. Dieu que je me sentais important dans mon froc rouge et mes pantalons noirs. L'armée nous traitait bien... Un petit salaire à tous les mois...

Entre seize et vingt ans, je fus membre de deux fanfares et de trois orchestres en même temps. Je faisais aussi du théâtre, de l'athlétisme et de la politique étudiante, tout en essayant de me mener à bien les quatre dernières années de mon cours classique. Je fus un musicien médiocre. Je l'admets aisément aujourd'hui que j'atteins ma soixante-sixième année; mais je l'ignorais à l'époque. Il y avait des camarades surdoués en musique, pensais-je, alors que moi, j'avais été oublié des dieux. Il aurait fallu que je pratique davantage, ou que mes mentors m'incitent à y mettre le temps. Ce que je ne fis jamais. La fanfare de Port-Alfred jouait un morceau dans lequel le saxophone ténor avait un solo spectaculaire. Ce solo, je ne le pratiquai jamais... J'ai toujours regretté mon incurie... et je me revois encore aujourd'hui me levant au moment de solo et donnant à ce morceau tout le panache qui lui fit toujours défaut.

Aujourd'hui, je pratique seul mon saxophone dans les endroits les plus hétéroclites. Je fais du mieux que je peux. Mais il manque toujours quelque chose: un solo de clarinette par ici, une sonnerie de trompette par là, une glissade de trombone ou simplement l'accompagnement d'un batteur. Je me dis alors que c'était le bon temps, ce temps des fanfares, que j'ai bien fait d'en profiter. Fernand Simard et Guy Potvin ? Le premier est décédé et presque oublié; le second vit à Washington, malade, lui aussi oublié.

Delhorno

Aucun commentaire: