lundi 17 octobre 2011

CHEZ ELLEFSEN


Marcel m'avait mis au parfum. Venait d'ouvrir à Montréal, coin St-Denis et St-Zotique, un café «scandinave», nommé ELLEFSEN. Surprit ensuite mon regard, quelques dix jours plus tard, cet article de La Presse corroborant essentiellement les informations marcelliennes et brossant à grands traits la pseudo-saga d'Olaf Ellefsen, ce matelot danois qui, au tournant du 20e siècle, se jeta à l'eau devant St-Fulgence, nagea deux ou trois milles, fut recueilli par un cultivateur du village, devint amoureux d'une des filles de l'habitant et devint l'ancêtre d'une multitude de descendants.
Eh bien! Olaf Ellefsen est devenu restaurateur sur St-Zotique! Sa photo, grandeur presque nature, trône sur le mur de la grand'salle du restaurant. Il y ressemble comme deux gouttes d'eau à Paul Rasmussen, cet autre matelot danois qui demanda droit d'asile au Saguenay au début du XXe siècle... Mais ceci est une autre histoire
Le proprio du Café Scandinave n'est pas un Ellefsen. Il se nomme Simon Thibeault et je le soupçonne d'être de Grande-Baie... Je l'ai suspecté  d'être un Ellefsen par sa mère ou l'une de ses grand-mères... et donc petit-fils ou arrière-petit-fils d'un fils ou d'une fille d'Olaf. Malheureusement, il était absent ce midi et j'ai dû m'en remettre aux confidences de la fille du bar, une polissonne qui poussa l'audace jusqu'à parler d'Olaf Ellefsen avec l'autorité, pour ne pas dire la suffisance, d'une historienne de haute voltige!
Le menu du restaurant Ellefsen est fort sommaire. Quelques propositions écrites avec l'alphabet danois m'ont fait suspecter qu'il pouvait s'agir là de hareng ou d'anguille fumés et je les ai repoussées poliment. Deux sortes de poissons, dont du bar, lequel vient tout juste de se réapproprier le fleuve St-Laurent. Je me suis dit qu'il devait s'agir de bar d'élevage ou d'importation et je me suis éloigné tout autant de ces suggestions. Au bout du compte, tenaillé par une faim intraitable, j'ai choisi un «pâté de viande» ressemblant à de la tourtière. La fille du bar m'avoua candidement que, faute de tourtes et de venaison, ils avaient tenté de se rapprocher le plus possible de la tourtière originelle avec des viandes ayant cours à Montréal. A vrai dire, c'était mangeable, mais ça ne faisait pas le poids avec les tourtières à la saguenéenne.  
Le restaurant était plein ce vendredi midi. Des jeunes surtout, partageant le repas de leurs portables. Un café et une tourtière m'ont couté $20.00, sans compter le pourboire.
Le Saguenay compte plusieurs de ces arrières-neveux scandinaves qui n'ont plus de Viking que le nom... Olsen, Dahl, Pettersen, Rasmussen, Ellefsen, et j'en oublie probablement quelques-uns. Leurs ancêtres n'en pouvaient plus de vivre sur les terres d'Eric le Rouge et ont débarqué sur nos rivages. Aujourd'hui, ces Danois et Norvégiens se pètent les bretelles avec leurs origines exotiques (Val Rasmussen, par exemple), oubliant à travers leurs grands sparages que les mariages de leurs pères avec des québécoises ont à ce point dilué leur sang viking qu'il n'en coule presque plus dans leurs veines, et qu'en contrepartie ils sont beaucoup plus québécois pure-laine qu'ils ne l'auront jamais souhaité.  A bien y penser, il se pourrait que, Normand de Normandie par mon ancêtre Robert Dufour, je sois plus viking que ces «North Men» saguenéens, si l'on tient compte du fait que la Normandie fut envahie par les hommes du nord au IXe siècle et qu'il est fort possible que mon génome ressemble à ceux d'Eric le Rouge et de ses fils.    Il en va ainsi  pour les Dufours, en passant. Je me suis rendu compte, il y a quelques décades de cela, que le génome de Gabriel-Robert (1690), après plusieurs années de métissage avec des Gagnés, des Boissoneaults, des Harveys et des Tremblays, devait s'en trouver fort blêmi et que ne devait pas exister une telle rareté qu'un «vrai Dufour».
Toujours est-il qu'en sortant de Chez Ellefsen je me suis pris à penser que je venais d'assister à une grande arnaque scandinave. Un peu plus, et le fait divers que fut le plongeon d'Olaf Ellefsen dans les eaux du Saguenay, aurait pu se retrouver dans l'une des Sagas Viking ou même dans l'Iliade ou l'Odyssée. J'ai même poussé ma cogitation au point de remercier mon génome dilué de pure-laine de gouttière de m'avoir fait garder l'oeil ouvert, et le bon! Ceci me permet, Gibus, ô mon lecteur, de te rappeler que très peu d'entre nous descendent de la cuisse de Jupiter...
Sans rancune, chers Vikings, et bonne fin de semaine!
Delhorno

1 commentaire:

Unknown a dit…

Olaf Ellefsen était norvégien.