MUTT, L'UNIVERSITE, LA GRATUITE ET L'ACCESSIBILITE
Salut Gibus.
On parle beaucoup d'éducation au Québec ces jours-ci. Certains pensent que l'Etat devrait payer les études de tous et chacun jusqu'au doctorat. En d'autres termes, que l'instruction devrait être gratuite pour les étudiants et que la facture devrait être assumée par les payeurs de taxe. Les «Carrés Rouges» ont arpenté les rues de Montréal pendant six mois l'an dernier, cherchant à arracher la gratuité intégrale des études. Au nom de quel principe l'éducation devrait-elle être gratuite? On dit que c'est au nom de l'accessibilité pour tous, sans égard au pactole des familles et des individus. En passant, la Pactole était, du temps de mes idoles Socrate, Platon et Aristote, une petite rivière de Lydie réputée charrier des pépites d'or. On dit aussi que gratuité et accessibilité ne vont pas nécessairement de pair. Dans les pays «gratuits», on ultrasélectionnerait les étudiants, d'une telle façon que la notion même d'accessibilité en serait grandement ultraédulcorée.
Je te recopie ce court texte qui vient de paraître, plume de Denis Girard, dans le Journal de Montréal d'aujourd'hui, quinze février deux mille treize. Son dernier paragraphe souligne l'importance des parents dans le cheminement des enfants vers l'université. Moi, ça m'a reporté fin des années cinquante, début des années soixante, chez nous, à Port-Alfred. Mutt, mon père, et Lulu, ma mère. «Ne faites pas comme moi, disait Mutt, devenez des professionnels, allez à l'université.» Il avait offert à son jeune beau-frère d'endosser un emprunt bancaire qui lui aurait permis d'aller à l'université. Mutt avait à peine une sixième année, peut-être une septième... Comment avait-il appris ça, l'université? Les ingénieurs, peut-être, qu'il avait côtoyés à la Consol. Je sais une chose: cette simple phrase, «Allez donc à l'université», s'est incrustée dans mon cerveau et celui de mes frères et soeurs et ne l'a jamais quitté, l'y résonnant encore. Ma mère aussi, qui avait été une première de classe, et qui insistait tant sur l'importance du travail bien fait. Quand le temps du cours classique arriva, celui du Petit Séminaire, il ne fut jamais question de ne pas y aller faute d'argent. Il était tacitement entendu que le fric, nous l'aurions. Même chose pour l'université. Etions- nous riches? Jamais de la vie! C'était différent dans d'autres familles, il faut le dire. Quatre ans de Petit Séminaire, cinq d'université, nous avons payé tout ce que ça coûtait, tout ce qu'on nous demandait. L'argent qu'il fallait, nous le gagnions, nous l'avions gagné. Sur le campus, nous vivions de peu. Et ça a fonctionné! Pour moi comme pour mes frères. Mutt, Lulu, chapeau!
Le Québec aura besoin d’un ministre de l’éducation supérieure plus inspirant
Aux États-Unis, que l’on soit fermier au Nebraska, serveuse au Mississippi, homme d’affaires à New York, démocrate ou républicain, on est presque tous d’accord sur un sujet : l’importance du diplôme universitaire. La famille américaine rêve d’inscrire ses enfants dans les meilleures universités et elle ne s’épargnera aucun sacrifice pour y arriver.
Un sondage récent effectué pour l’université Northeastern de Boston révèle que, pour 86% des Américains, un diplôme universitaire permet de gravir l’échelle sociale et professionnelle. Quatre-vingt-huit pour cent des répondants estiment que l’université permet aux étudiants de développer la pensée critique nécessaire pour analyser les problèmes; 94% trouvent qu’un diplôme universitaire est un outil important pour réaliser le rêve américain.
ALMA MATER
Ce qui frappe dans ce sondage, au-delà du consensus, c’est que ces opinions sont partagées par toutes les couches sociales dans toutes les régions peu importe le niveau d’éducation des répondants. Mais ces chiffres peuvent seulement étonner un observateur étranger. Vivre aux États-Unis permet de constater que l’université est entièrement imbriquée dans la fabrique sociale américaine.
Dès son arrivée à l’université, l’Américain développe un sentiment d’appartenance. Lorsque les joueurs de la NFL déclinent leur identité à la télévision, ils ne disent pas où ils sont nés, mais où ils ont étudié. Ron Brace, Boston College; Rob Ninkovich, Purdue. Et, contrairement au stéréotype, ils n’étudient pas l’art ou le cinéma, c’est l’administration des affaires qui a la cote. Les footballeurs n’ont pas tous le profil académique d’un Ryan Fitzgerald, des Bills de Buffalo, diplômé de Harvard, mais un fait reste, l’Américain s’identifie à son université.
Tout baigne donc dans l’huile dans le monde universitaire américain? Pas du tout. Les droits de scolarité sont faramineux. L’obtention d’un diplôme coûteux débouche de moins en moins sur un emploi à la hauteur des qualifications obtenues. Plus de la moitié des plus récents diplômés sont surqualifiés ou ne trouvent pas de travail. La dette des diplômés atteint mille milliards de dollars. Autre consensus : le gouvernement américain doit alléger le fardeau étudiant en injectant plus d’argent dans ses universités. Selon le sondage de l’université Northeastern, 80% des Américains sont d’accord là-dessus et ça inclut les républicains.
LE QUÉBEC, À L’OPPOSÉ
Pendant que l’on assiste à la lutte farouche des universités américaines pour se hisser dans les classements mondiaux, le spectacle offert au Québec est à l’autre extrémité. Le ministre de l’Éducation supérieure, Pierre Duchesne, qui devrait être le plus farouche défenseur d’un financement accru des universités, tient un discours d’une grande tiédeur. Il semble surtout s’inquiéter d’un retour en force des carrés rouges. Il a même réussi à se mettre à dos ceux dont il devrait pourtant être proche, les recteurs d’université.
Selon le sociologue étoile de Harvard, Robert Putnam, l’influence des parents est le principal facteur qui guide l’enfant vers l’université. Si l’on utilise cette analyse pour expliquer le taux de décrochage alarmant au secondaire au Québec, on conclut que la province doit insuffler plus de fierté de l’éducation et de l’université dans ses familles. Mais pour le faire, le Québec aura besoin d’un ministre de l’éducation supérieure plus inspirant, qui défend mieux ses universités.
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