mardi 29 janvier 2013

L'AUTOROUTE DES ARNAQUES

J'entends déjà Gibus les accents sombres de ta voix grave. «Pourquoi passer l'hiver entre Sosua et Cabarete, au milieu de tant de filous et d'escrocs, quand on peut le passer en sécurité à deux cents kilomètres au nord de Québec?»  J'entends, dis-je, ta voix sentencieuse, Gibus.  Mais au fait, lis-tu jamais les journaux québécois?  Sais-tu seulement ce qui se dit devant la commissaire Charbonneau?  Il semble bien que la filouterie n'a pas peur du «frette» autant que Stéphane Laporte aime nous le dire ...  L'arnaque n'aurait-elle pas meilleure mine sans le soleil des Caraïbes? 

Jeudi dernier.  Vingt-quatre janvier deux mil treize.  Tous mes ancêtres considérés, Gibus, je dois t'avouer n'avoir jamais escompté me rendre en deux mil treize...  Olivier Potvin du Lac-à-la-Croix est venu me chercher à Marysol, sept heures trente du matin.  Notre mère la Terre venait tout juste, dans sa rotation éternelle, de redécouvrir à pied levé Celui à qui nous devons le jour.  Francine avait décidé de nous accompagner: des plantes à acheter à Puerto Plata.  Moi, j'avais appelé Bautista, mon caddie.  Nous avions rendez-vous à huit heures au Campo de golf de Playa Dorada.  Il y a trois ans que Bautista est mon caddie, depuis que j'ai décidé d'apporter mon sac de golf en République Dominicaine.

Nous voici donc sur l'autoroute qui va de Naguey à Puerto Plata,  J'écris Naguey à des fins techniques, mais la ville est fort lointaine, du côté de l'est.  Et l'autoroute dont je parle n'est pas une autoroute selon les standards nord-américains.  C'est une brave route, sans panache aucun, qui ressemble beaucoup à celle du rang St-Jean-Baptiste qui va de La Baie à Chicoutimi.  On l'a repavée il y a quelques années grâce à un prêt du FMI.  On y  «rencontre».  Elle étire donc ses lacets imprévisibles à travers villes et barrios, des noms connus, Sosua, Cabarete, Gaspar Hernandez,  d'autres moins connus, El Choco, Los Charamicos, El Batey, La Union, Montellano.  Un  peu avant huit heures, les Dominicains qui ont cette chance de travailler pétaradent déjà sur leurs motocyclettes.  Nous roulons notre petit bonhomme de chemin, soixante kilomètres-heure, devisant de choses et d'autres, de tout et de rien, comme si mourir avait cessé d'exister.

Montellano dépassé, nous voici sur cette colline qui surplombe une longue ligne droite.  Nous y arrêtons quelquefois pour acheter des agrumes à un vendeur ambulant.  Le Campo de golf Playa Dorada est situé au bout de deux kilomètres, tout juste avant d'arriver à Puerto Plata, sur la droite, le long de la mer.

Francine s'écrie soudain:
-Olivier, le gars qui te dépasse à gauche te fait signe!  Nous avons perdu une pièce du véhicule, semble-t-il!  J'ai entendu un bruit curieux!

Olivier rangera le minivan sur le droite.  Nous en sortirons, regarderons dessous.  Rien de suspect, rien de troublant.

Entretemps, l'auto dominicaine a fait demi-tour, est revenue sur nous et se stationne à notre hauteur de l'autre côté de la route.  En sort un homme aux cheveux noirs et frisés:
-Ustedes han perdido una pieza de metal por debajo de su coche!
Olivier et moi n'avons rien senti, n'avons rien entendu, n'avons rien noté et ne voyons rien d'anormal.

-Qu'en penses-tu, Olivier?
-Je pense que ç'est une arnaque.  Il veut nous emmener à son «taller» pour nous facturer une réparation bidon.

Olivier n'est pas né de la dernière pluie.  Quarante années d'expérience derrière des volants de tous acabits, un quart de siècle à Hispaniola.  Il en a vu d'autres.

Nos deux arnaqueurs sont congédiés sommairement, sans commentaire.  Olivier et Francine passeront l'avant-midi à Puerto Plata impunément, viendront me chercher au golf sur le coup de midi et nous retournerons à Marysol sans le moindre incident mécanique.

Quelques jours plus tard, ma voisine Suzanne doit se rendre à Puerto Plata.  A peu près au même endroit, deux énergumènes lui jouent un scénario similaire.  Elle aurait perdu une pièce de métal sous son véhicule.  Ils l'incitent à les suivre jusqu'à leur atelier, lequel est situé...  dans une cour d'école!  Ils lui demandent deux cent pesos pour faire la réparation.  Mais Suzanne a des réflexes!  Elle appelle aussitôt Michel Cloutier, un des nôtres qui vit en République depuis vingt-cinq ans.  Elle lui refile le plus vieux des lascars.  Il me faudra demander à Michel ce qu'il lui a dit, car aussitôt l'appel terminé, notre mécanicien et son «helpeur» rembarquent prestement dans leur auto et s'enfuient sur Puerto Plata.

Certains se font avoir...  Toujours des touristes à la peau blanche.  Une vague connaissance, Mario, si ma mémoire est bonne, a payé quatre mille deux cent pesos, soit près de mille dollars canadiens,  pour une réparation bidon sur la foi d'une comédie analogue. 

Jusqu'où nous faut-il aimer les hommes, Gibus?  Je te réécris ceci qui me vient du frère Untel et que je n'oublie jamais:  IL NE SUFFIT PAS D'ETRE PAUVRE POUR AVOIR RAISON.

Delhorno  





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