dimanche 14 octobre 2012

CONTONDANT

«CONTONDANT»  Chaque mot a son histoire...

Les ambulanciers l'emmenèrent à l'urgence aux petites heures du matin.  On m'appela tout de suite.  Milieu de la drogue.  Une rixe quelconque.  La vérité ne remontera sans doute jamais de son puits...  Il était comateux.  Une plaie sur la tête qui semblait anodine.  La tomographie du cerveau nous indiqua cependant que le pic ou le couteau avait traversé l'os pariétal et pénétré dans la matière cérébrale.  Le neurochirurgien s'amena et recommanda que nous l'observassions davantage.

Nous fûmes intrigués par une plaie du bras droit d'où le sang suintait constamment.  Je défis le pansement et entrouvis tout doucement les lèvres de la plaie.  Le sang se mit à gicler comme si une artère importante, l'humérale dans ce cas, avait été lésée.  J'amenai le patient tout de suite au bloc opératoire.

C'était bien ça.  L'humérale avait été partiellement lacérée par le pointe du couteau de l'assaillant.  Je pus réparer le tout.  L'homme, malheureusement, décéda quelques jours plus tard des suites de sa lésion cérébrale.

J'avais presque oublié l'affaire quand ma secrétaire me pria, plusieurs mois plus tard, de prendre un appel émanant du bureau du Procureur de la Couronne.  Le procès de l'accusé du meurtre aurait lieu dans quelques semaines et ma présence était requise en tant que chirurgien traitant du défunt lors de son hospitalisation.

Dix heures le matin.  Habit foncé, chemise blanche, cravate.  Ma fille et mon garçon étaient venus assister à ma déposition.

Je déclarai sous serment et avec assurance ce que je savais.  La blessure de l'artère humérale, le traumatisme crânio-cérébral causé par un objet «contondant», le décès subséquent.  A peine avais-je terminé que l'avocat en défense se leva et s'avança vers moi:
-Docteur Delhorno, vous avez parlé d'une plaie crânio-cérébrale par objet «contondant»...  Ne serait-ce pas plutôt un objet tranchant ou pointu qui aurait causé le traumatisme?  Plutôt qu'un bâton de baseball?

L'homme de loi accompagnait sa question d'un sourire narquois, voire moqueur...

L'énormité de la bourde me sauta aux yeux!  Ignorance primaire, pensai-je.  Crasse?  Peut-être..  Je dus rougir sans doute.  Quand mon regard croisa celui de mes héritiers dans l'assistance, il y déchiffra incrédulité, gêne et un soupçon de pitié.  Je ne pus qu'admettre carrément mon erreur:

-Je vous prie de me pardonner, monsieur l'avocat.  Il saute aux yeux que j'ai utilisé un vocable dont j'ignore l'exacte signification.  L'arme qui a causé le décès était un pic à glace ou un couteau dont la lame mesurait moins de trois quarts de pouce.

L'avocat se retira.
-Pas d'autre question, monsieur le Juge.

CONTONDANT, CONTONDANTE, adjectif, participe présent de l'ancien français  CONTONDRE, du latin CONTUNDERE, i.e. blesser.  Se dit d'un objet qui blesse par choc, sans couper ni déchirer les chairs.  Larousse

C'était il y a quinze ans.  Dois-je ajouter, Gibus, que ça fait quinze ans que je connais exactement la signification du vocable CONTONDANT.

Delhorno

  

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