vendredi 2 novembre 2012

J'AI TROIS NOUVEAUX AMIS...

Les clubs 4-H de la région Saguenay-Lac Saint-Jean tenaient à cette époque un congrès régional annuel dont la ville-hôte variait annuellement.  En 1957,  le congrès eut lieu à St-Jean-Eudes, au Saguenay.  St-Jean-Eudes?  Un village, un bourg, peut-être même un bled situé sur la rive sud de la rivière Saguenay, entre Chicoutimi et Jonquière, au pied de l'usine d'aluminium d'Arvida.  Encore aujourd'hui, il faut monter la grand'côte dite «de St-Jean-Eudes» pour accéder à l'église qu'on trouve à gauche quand on arrive au feu de circulation.  Le bâtiment n'a que très peu changé. Ce congrès-là, donc, prenait place dans le sous-sol de l'église.  On y était venu de partout en Sagamie, d'aussi loin que Dolbeau, St-Prime et St-Félicien. J'avais douze ans.  C'était mon premier congrès 4-H. Mon club, celui de Port-Alfred, avait nolisé un autobus pour nous amener là.

L'après-midi,  les moniteurs provinciaux animaient un concours de «talents».  «Les jeunes talents 4-H».  Mon ami de toujours, Jacques,  représentait notre club.  Pianiste.  Il m'avait demandé de monter avec lui sur l'estrade pour tourner les pages de son cahier de musique.  Je m'y revois encore, cinquante-six ans plus tard.  Rondo Alla Turca,  titre de la pièce qu'il exécutait.  J'admirai Jacques cet après-midi-là...  Pas facile, je le sais encore plus aujourd'hui, d'interpréter le Rondo Alla Turca devant quelques centaines de jeunes bavards.  Wolfgang Amadeus Mozart...  Je n'ai plus jamais oublié ce nom depuis ce samedi de mai 1957.

Quelques années plus tard. 1961.  Petit Séminaire de Chicoutimi.  L'orchestre de flûtes à bec.  J'en fais partie. L'abbé Guy m'avait recommandé l'achat d'une «méthode» d'apprentissage.  J'avais obéi.  Touffu, ce manuel...  Trois morceaux, parmi quelques dizaines, adaptés pour la flûte à bec: Rondo Alla Turca, de Mozart, O  Jésus ma Joie et Concerto Brandebourgeois, de Jean Sébastien Bach.  J'ignorais à l'époque que monsieur Bach avait composé plusieurs concertos Brandebourgeois.  En fait, je ne l'apprendrai que cinquante ans plus tard.   Je fus capable en quelques semaines de jouer les deux premiers, quoiqu'imparfaitement.  Vaincu cependant par le Brandebourgeois, quoique je n'en aie jamais oublié les premières notes.  Pour une raison qui m'est totalement inconnue, le titre de ces morceaux est resté imprimé quelque part dans mes hémisphères,  malgré que j'abandonnai clarinette, saxophone et flûtes à bec au cours des quarante années suivantes.  Plusieurs heures, je dois le concéder, dévolues à Barbara, Fugain, Barzotti, Georges Brassens, Frédéric Chopin et Johann Strauss.  La Méthode de Flûte à Bec de l'abbé Potvin?  Le grand Perron, un confrère de classe, me l'emprunta un midi.  Devait me la remettre à la fin de l'année scolaire.  Je ne la revis jamais, ce que je n'ai pas encore digéré...  Quand j'y repense, instantanément se projettent devant mon regard les portées du Brandebourgeois et du Rondo...

Juin 2009.  Vienne.  Un petit hôtel de charme derrière le Stephansdom.  Un écriteau de laiton nous indique que Mozart y a habité.  Le lendemain soir, concert.  On y joue du Mozart, évidemment.  Dieu que ça fait plaisir à l'oreille.  Ma fille m'accompagne.  Belle comme une déesse.  Je me dis que j'aurais peut-être dû écouter Mozart davantage...  Quelques jours plus tard.  Salzbourg.  La maison où il vécut.  Un autre concert, au château qui surplombe la ville.  Un orchestre de chambre.  Encore Mozart.  Nous en sortons envoûtés.  Je me dis que...

Je résolus dans l'avion du retour -Munich-Montréal- de ne pas mourir sans m'être donné la peine d'écouter la musique de ces trois grands: Mozart, Beethoven, Bach.  Voilà, Gibus, c'est fait,  J'ai depuis un an trois nouveaux amis que je fréquente assidûment.  Des vrais ceux-là.  Quelque chose dans mon cerveau a changé.  Wolfgang, Ludwig et Jean Sébastien le comblent et l'apaisent. Je me demande encore comment il se fait que j'aie tant tardé à découvrir ce trio.

Delhorno

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