Je ne devrais plus utiliser le mot épicerie...
Car elle n'existe plus.
Je parle ici de l'épicerie véritable,
Celle de Lucien Ouellet et de Robert Verreault,
Celle de Robert Bouchard et de Joffre Thibeault.
Loblaws, IGA, Métro,
Dans leur antres gargantuesques,
Ont fait disparaître à jamais
Toute la poésie
Et la fraternité,
De l'épicerie du temps jadis.
Mais là n'est pas mon sujet!
Je sortais donc de chez Loblaws
Encore une fois tout à ma rêverie...
J'apportais une belle pièce de saumon
Qui se targuait d'une naissance atlantique,
Quand je ne sais que trop bien
Qu'il s'agit de saumon d'élevage
Importé de piscicultures chiliennes.
Des framboises aussi. Californiennes.
Et des mûres, tout autant californiennes.
Heureusement,
Et finalement,
Et finalement,
Et ceci me comble,
Du lait du rang St-Joseph
Et de la crème de l'Ascension.
Oui! Le village pas loin de St-Coeur-de-Marie!
Oui! Le village pas loin de St-Coeur-de-Marie!
J'ai failli semoncer un chaînon manquant
De la génération de mes enfants
Pour avoir acheté sans regarder
Et sans jamais se questionner
Du lait de Saint-Hyacinthe.
Je me suis retenu à temps...
Dieu merci!
Mais là n'est pas mon sujet.
Je venais donc tout juste de sortir...
De l'immensément grande surface
Appartenant au sieur Loblaws
Dont on ne voit jamais ici
Que les sous-fifres
Anonymes.
Robert Bouchard,
Joffre Thibeault,
Nous pouvions les voir
Sept jours par semaine,
Et le dimanche, à l'église,
Par surcroît.
Mais là n'est point mon sujet.
Yo estaba caminando...
J'étais en train de marcher...
-Merveilleux espagnol
Qui as su conserver
Ce gérondif qui, en français,
Va me manquer
Va me manquer
Jusqu'au dernier instant.
Mais là n'est point mon sujet!
Mon regard traînassait
Sur le sol asphalté
Quand il l'aperçut.
Humble papillon sans passé...
Avait-il assuré sa survie?
Nul ne le sait.
Vous savez, ces papillons
Qu'on ne remarque
A peu près jamais.
Parce qu'ils sont «drabes»,
Je veux dire beiges,
Sans couleur et sans panache.
Parce qu'ils ne vont pas,
Eux,
Passer l'hiver au Mexique
Au bout d'un voyage héroïque.
Il traînassait lui aussi
Sur le sol asphalté,
Caminando lui aussi,
Essayant d'au moins s'élever
De quelques pouces,
Question de rejoindre
La pelouse toute proche.
Incapable de voler
Et marchant comme un mourant.
Quel destin! me dis-je
De venir trépasser
Sur l'asphalte de Mister Loblaws...
Pas même la chance
De cesser de respirer
Entre deux brins d'herbe,
Au pied d'un amélanchier.
Mon regard n'en pouvait plus
D'une telle infortune
Et me fit m'enfuir
Alors que j'aurais dû,
Alors que j'aurais pu,
Simplement le cueillir
Et doucement le déposer,
Comme j'aurais moi-même désiré,
Au pied d'un amélanchier.
Delhorno
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