mercredi 2 mai 2012

A PROPOS DU BOYCOTT ÉTUDIANT: PIERRE CALVÉ


La crise étudiante: cessons de rêver en couleurs!

Publié30 avril 2012 à 11h20
Mis à jourle 30 avril 2012 à 11h43Publié30 avril 2012 à 11h20
Mis à jourle 30 avril 2012 à 11h43
  






 



Pierre Calvé
PIERRE CALVÉ
Professeur de linguistique
Nous sommes témoins, dans cette crise, d'un véritable dialogue de sourds entre ceux qui sont en faveur du dégel et ceux qui ne le sont pas.
Certains contestataires et leurs partisans ont perdu tout sens de la mesure et tiennent des propos carrément outranciers envers les représentants du gouvernement.
Ils leur prêtent les intentions les plus loufoques, comme si Mme Beauchamp, par exemple, était une personne méprisable, à la solde de riches corrompus, du simple fait qu'elle défend une décision difficile prise par un gouvernement dûment élu, et ce sans céder, comme d'autres l'ont fait avant lui, aux pressions d'un regroupement particulier, aussi nombreux, jeune et fougueux soit-il.
Rappelons que le Québec, avec une population qui compte à peine 75% de celle de l'agglomération parisienne, et dont plus de 40% ne paie aucun impôt, doit entretenir un réseau de 17 universités (incluant les écoles de hautes études comme l'École polytechnique) et 48 Cégeps.
Comment les universités peuvent-elles attirer les meilleurs professeurs, qui à leur tour attireront les meilleures subventions, sans leur offrir les équipements, bibliothèques, laboratoires, salles de cours qui seront à la fine pointe du progrès et permettront à nos institutions de se comparer favorablement aux meilleures plutôt que devenir de grands collèges anonymes, leaders en rien, comme il en pullule dans le monde sans que jamais on n'entende parler de leur réputation ou de leurs réalisations?
Si les frais avaient augmenté régulièrement, raisonnablement, tout au long des 40 dernières années, nous ne ferions pas face à cette crise alors qu'un gouvernement essaie de rattraper 40 ans de gels en 5, 6 ou 7 ans.
Quand je suis arrivé à l'Université d'Ottawa, en 1969, plus de la moitié des étudiants francophones venaient du Québec. Avec le gel au Québec et l'ouverture de l'Université du Québec en Outaouais, la proportion à considérablement diminué. Les étudiants québécois auraient sûrement continué à étudier en grand nombre à Ottawa, et à payer les frais exigés, n'eût été de ces facteurs.
Entretemps, les inscriptions à Ottawa sont passées de 16 000 à 35 000, et ce malgré une très forte hausse des frais de scolarité. Et les étudiants ontariens ne sont pas plus riches que les étudiants québécois.
Des élections s'en viennent et les étudiants pourront démocratiquement faire valoir leur cause et tenter de défaire, mais pas tout seuls, pas dans l'anarchie, celui et ceux qu'ils tiennent responsables de leurs déboires.
Ce n'est pas en grignotant ici et là dans les salaires de quelques-uns, dans le gaspillage de quelques autres, que le Québec pourra continuer à assurer, ainsi qu'à leurs enfants, une éducation supérieure digne de ce nom.
Le gel des frais de scolarité a été une décision politique, non réaliste financièrement, et des correctifs s'imposent, malheureusement à court terme.
La dette du Québec dépasse les 200 000 000 000 $, et continue de croître. La population vieillit, le nombre de travailleurs diminue proportionnellement aux retraités, les demandes en soin de santé augmentent de façon exponentielle...
Comment les boycotteurs peuvent-ils justifier une telle demande de gel, voire de gratuité, pour un service dont ils seront, par l'éducation qu'ils reçoivent et par ce qu'elle leur rapportera, les plus grands bénéficiaires?

L'auteur a été professeur au département de linguistique et à la faculté d'éducation de l'Université d'Ottawa de 1969 à 2001. Il a été doyen de cette faculté de 1994 à 1997. Il est détenteur d'un doctorat en linguistique de l'Université Georgetown, à Washington D.C.

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