dimanche 4 décembre 2011

CLUB DE GOLF DE PORT-ALFRED. LE VIEUX NEUF. TROU #2

Je dois à ce trou d'avoir appris l'expression «dog-leg».  Les vieux joueurs baieriverains disaient «dogslegs» en prononçant les «esses».  Un fairway coudé, vallonné, virant vers la gauche et vers le sud.  Le tee de mes douze ans était localisé au sortir du vert #1, collé comme un timbre-poste sur ce mamelon qui jouxtait les  grands peupliers. Il fallait viser au bas et à droite de «LA PENTE DOUCE», une colline en friche qui n'avait son utilité qu'en hiver, pour les amateurs de sports de glisse.  La Pente Douce, le nom le dit, penchait vers la rivière à Mars, était gardée et l'est encore par d'immenses peupliers que j'imaginais millénaires eux aussi et qui jetaient partout, sans vergogne, leurs milliers de feuilles jaunasses et leurs milliers de fruits vermiculaires.

Il fallait donc driver, dis-je, au bas de la Pente Douce, avec un draw idéalement, exploit que ne pouvaient se permettre que les mieux nantis, ceux que le Ciel, dans l'utérus de leur mère, avait mieux aimés.  Vous aviez alors une belle chance d'accéder, avec un fer court,  à ce green cauchemardesque, exigu, dur la plupart du temps et caché à l'orée de la forêt domaniale.  Nous disions «green» dans les années cinquante, et c'était comme normal.  La Révolution Tranquille eut son effet sur les terrains de golf aussi.  Après 1965, nous commençâmes à utiliser le vocable «vert».

Les sliceux de mon espèce voyaient leur balle fuir trop à droite, vers la rivière à Mars, et s'éloigner du par en progression géométrique !  Une des particularités de ce trou était que vous ne frappiez jamais la balle avec un stance plat.  Votre poids penchait toujours vers l'un ou l'autre des points cardinaux.  J'envierai cinquante ans plus tard les Montréalais qui passent une vie à jouer leur golf sur des terrains plats.    

La Pente Douce et la forêt qui entourait le vert #2 étaient des cimetières pour balles égarées et un paradis pour les revendeurs de balles de seconde main.  Eh oui!  Ce métier avait ses entichés en cette époque aussi.   Le golfeur médiocre que j'étais perdit maintes fois  son calme intérieur sur le vert #2.  Imaginez!  Un double sur le #1, un bogey sur le #2, déjà plus trois après deux trous...  Il fallait aimer le golf.  Il fallait vivre d'espoir...  Quarante plus tard, le hasard mettra devant mes yeux ces vers de Paul Eluard qui m'expliqueront tout:

LA NUIT N'EST JAMAIS COMPLETE
IL Y A TOUJOURS
PUISQUE JE LE DIS
PUIS QUE JE L'AFFIRME
AU BOUT DU CHAGRIN
UNE FENETRE OUVERTE
UNE FENETRE ECLAIREE
IL Y A TOUJOURS UN REVE QUI VEILLE

Delhorno

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