dimanche 30 mai 2010

LE PERIL JAUNE

Ah! Les pissenlits!
Ils pulluleraient
Ce printemps.
Ça doit être vrai,
Car Le Quotidien le dit, 
Même si personne
N'a compté les pissenlits.
«Simple question de regarder!»
S'est un loustic exclamé.
L'hiver aurait été trop doux,
Le mois de mai trop chaud,
Le Grand Arroseur trop chiche.



Il faut donc occire les pissenlits.
Je crois ré-entendre Caton:
"Taraxaci delenda sunt!"
Certains «demeurés» les arrachent
Encore mécaniquement,
Pour ne pas dire,
Car ce n'est plus la mode
De parler ainsi,
"A la main",
Manuellement.
Cette technique ancestrale,
Vieillotte et dépassée,
Serait infructueuse,
Car, la première année,
On ne réussirait à occire
Que trente pour cent
Des pissenlits.
Les dits «demeurés»,
Possiblement,
Fort probablement,
Seraient responsables
Et imputables
De l'envahissement «pissenlitier»
Du printemps deux mil dix.
C'est le journal qui l'écrit,
Et c'est aussi corroboré
Par l'horticulteur du quartier,
Même si aucun Chicoutimien
N'a compté les pissenlits.



L'homme moderne
Engage des tueurs à gage
Et des fiers-à-bras
Pour faire mourir les pissenlits.
Ceux-là arrivent donc
Un bon matin
Et débarquent prestement
D'un camion vert,
Bottés de caoutchouc
Jusqu'aux genoux,
Armés d'un long boyau
Qui vous crache
Tout bonnement
Le dernier herbicide
Concocté par Monsanto.
«Ça doit être bon,
Dit le vendeur d'herbicide,
Car les clients ne cessent d'en acheter!»
Pourtant, personne,
Surtout pas le vendeur d'herbicide,
N'a été surpris
En train de compter
Les pissenlits.
Juste pour voir
S'il y en a vraiment trop
Ici à Chicoutimi
Et pas assez à Kénogami.
Qui plus est,
On n'a pas compté non plus
Les malheurs potentiels,
Sur la vie saguenéenne,
De cet herbicide nouveau-né.



Entre nous,
Quelle différence peuvent bien faire,
Le temps d'un été trop court,
Dix mille pissenlits surnuméraires
Sur le territoire de Chicoutimi?
Moi, comme les abeilles,
Les guêpes et les faux-bourdons,
J'aime bien le jaune pissenlitier
Au hasard de l'herbe verte.
J'aime aussi la mousse blanche
De leurs fleurs fanées.
Elle me rappelle
Que je perdais mes balles de golf
Sur les fairways de Port-Alfred,
Lesquels étaient réputés
Pour leur quantité épouvantable
De pissenlits polissons
Qu'aucun baieriverain
Digne de ce nom
N'aura jamais comptés!



Le citoyen moderne,
La citoyenne branchée,
A la recherche du bonheur suprême,
Visent la pelouse céleste,
Qui n'abriterait ni pissenlit,
Ni trèfle, ni thym, ni chiendent.
Or, ils n'ont rien compté...
Ni les pissenlits,
Ni les lombrics occis par l'herbicide,
Ni les abeilles empoisonnées par l'herbicide,
Ni les rouge-gorges dégoûtés de l'herbicide,
Ni l'herbicide qui coule dans le Saguenay.



C'est ici qu'intervient
Un certain Einstein.
Albert de son prénom.
Vous connaissez?
«NOT EVERYTHING THAT COUNTS IS COUNTED;
NOT EVERYTHING THAT IS COUNTED IS WORTH COUNTING.»



Delhorno




lundi 24 mai 2010

IL Y A DOLLARD ET DOLLAR...

Lundi 24 mai. C'est congé partout au Québec et au Canada. Le reste du monde travaille.

Du temps de ma jeunesse, cet avant-dernier lundi de mai, c'était la mémoire de Dollard Des-Ormeaux que nous fêtions. Le reste du Canada, lui, fêtait la Reine d'Angleterre.

Dollard, c'est celui qui est allé combattre les Iroquois au Long-Sault, sur la rivière des Outaouais. Au cours de la bataille, il se serait emparé d'un baril de poudre dont il a allumé la mèche et qu'il a essayé de balancer sur les attaquants par-dessus la «muraille» du fortin. Il aurait manqué son coup, et le baril, au lieu d'exploser chez l'ennemi, l'aurait fait chez les Français, causant leur défaite et leur départ chez le Grand Manitou. Les Iroquois vainqueurs, dépités par la mort d'un grand nombre des leurs dans la bataille, -je tiens de mon vieux professeur de grec, "Protagoras", l'expression UNE VICTOIRE A LA PYRRHUS- auraient abandonné leurs velléités d'attaquer et anéantir les petites colonies de Montréal et de Trois-Rivières. D'où la réputation de «Sauveur de la Colonie» faite à Dollard-Des-Ormeaux. Si ma mémoire ne m'a point trahi, si l'histoire québécoise n'a point changé, -car il y a des incertitudes quant aux motifs inavoués du sieur Des-Ormeaux- voilà l'essentiel de ce que mes maîtresses d'école m'ont enseigné à Saint-Edouard.

La Reine, on s'en foutait pas mal à Port-Alfred, et nous n'étions pas les seuls au Québec. Nous n'avons jamais compris pourquoi les Anglos tenaient tant à Elizabeth. Et encore aujourd'hui, cet attachement à la Couronne d'Angleterre est largement méprisé chez les pure-laines et les ceintures-fléchées.

Depuis 2002 , ce n'est plus Dollard qu'on célèbre au Québec. Ce sont les rebelles de 1838, recyclés en «Patriotes». Ceux qui les révèrent se retrouvent sur les bords du Richelieu pour fêter une autre défaite. Dans le fond, on peut bien fêter ce qu'on veut...

Mon point? Une minienquête rapportée par TVA aujourd'hui...
-Que fêtez-vous aujourd'hui?
-Pas grand'chose... C'est plutôt une chance de se retrouver en famille, avec les enfants.
-Et vous, que pensez-vous de cette fête?
-Pas grand'chose, ce sont les Patriotes que nous fêtons, et je pense qu'il vaut mieux fêter les Patriotes que fêter le «dollar»!

Le gars qui nous a pondu cette petite merveille le jour de la fête de Dollard Des-Ormeaux était un père de famille de près de 40 ans qui s'exprimait relativement bien, avec le plus grand sérieux du monde. Peux-tu imaginer, Gibus, ce que cet énergumène a compris de son apprentissage scolaire, les loufoqueries qu'il doit enseigner à ses enfants? Tu me diras qu'il ne l'a pas appris à l'école, que ses parents n'en ont point parlé à la maison, que cette génération-là a été oubliée, je veux bien, mais il ne suffisait que de lire un peu le journal, que de regarder un peu la télé, pour être au courant de ça.
Confondre Dollard et dollar, le troisième lundi de mai, il faut le faire! Moi, je ne comprends pas. A moins qu'à mon insu, il ait été un autre de nos humoristes de haute voltige...

Delhorno

mardi 18 mai 2010

JE ME SUIS REPRIS

Oui, aujourd'hui,
Une deuxième chance...
Il est rarissime en effet
Qu'on ne l'obtienne pas
Cette deuxième chance.

Dans ma remise
Après dîner.
En train de remiser,
Justement,
Des outils éparpillés.

Mon attention
Se trouvait désorganisée
Par un bourdonnement
D'origine imprécise.

Qui sait?
Une grosse mouche,
Noire et polissonne,
Réveillée à midi
Par la chaleur de mai...

Je n'y voyais guère,
Entendais seulement.
Soudainement, rien!
Tout à fait rien,
Comme si le vent
Avait entre-ouvert
Ma porte verte,
Libérant l'insignifiante.

Je m'attelai à réparer
Cette fenêtre
Dont les fausses cloisons
Ne cessaient de tomber.

Le bourdonnement!
Mais oui, encore!
Enervant,
Déstabilisant.

C'est alors que je la vis.
Cette guêpe effrontée,
Noire, sans panache,
Une vulgaire guêpe!

Elle virevoltait
D'un carreau vitré
À l'autre,
Ne semblant s'imaginer
Que son manège incessant
Ne cesserait jamais,
Surtout pas incessamment.

Je résolus de m'en mêler;
M'emparai d'un gros bocal clair
En recherche d'emploi
Et dont la seule noblesse avait été
D'abriter cinq cent grammes
De beurre d'arachides;
Coinçai sa bouche béante
Contre la vitre où s'activait
Mon hélicoptère écervelé.

Elle s'engouffra dans le piège
Dont je vissai aussitôt
Le couvercle vert.
Vitement, j'ouvris alors
La porte verte et...
Dévissant le couvercle vert,
La rendis à son univers.

Je respirai goulûment.
Hier, poltron, j'avais fui
Le trépas d'un papillon beige;
Aujourd'hui,
-On a toujours une deuxième chance-
J'ai donné sa chance
A une guêpe vulgaire.

Delhorno





lundi 17 mai 2010

HISTOIRE TRISTE SUR LE STATIONNEMENT DU LOBLAWS DE CHICOUTIMI

Sortant ce soir de l'épicerie Loblaws...


Je ne devrais plus utiliser le mot épicerie...
Car elle n'existe plus.
Je parle ici de l'épicerie véritable,
Celle de Lucien Ouellet et de Robert Verreault,
Celle de Robert Bouchard et de Joffre Thibeault.
Loblaws, IGA, Métro, 
Dans leur antres gargantuesques,
Ont fait disparaître à jamais
Toute la poésie
Et la fraternité,
De l'épicerie du temps jadis.
Mais là n'est pas mon sujet!

Je sortais donc de chez Loblaws
Encore une fois tout à ma rêverie...
J'apportais une belle pièce de saumon
Qui se targuait d'une naissance atlantique,
Quand je ne sais que trop bien
Qu'il s'agit de saumon d'élevage
Importé de piscicultures chiliennes.
Des framboises aussi. Californiennes.
Et des mûres, tout autant californiennes.
Heureusement,
Et finalement,
Et ceci me comble,
Du lait du rang St-Joseph
Et de la crème de l'Ascension.
Oui!  Le village pas loin de St-Coeur-de-Marie!
J'ai failli semoncer un chaînon manquant
De la génération de mes enfants
Pour avoir acheté sans regarder
Et sans jamais se questionner
Du lait de Saint-Hyacinthe.
Je me suis retenu à temps...
Dieu merci!
Mais là n'est pas mon sujet.

Je venais donc tout juste de sortir...
De l'immensément grande surface
Appartenant au sieur Loblaws
Dont on ne voit jamais ici
Que les sous-fifres
Anonymes.
Robert Bouchard,
Joffre Thibeault,
Nous pouvions les voir
Sept jours par semaine,
Et le dimanche, à l'église,
Par surcroît.
Mais là n'est point mon sujet.

Yo estaba caminando...
J'étais en train de marcher...
-Merveilleux espagnol
Qui as su conserver
Ce gérondif qui, en français,
Va me manquer 
Jusqu'au dernier instant.
Mais là n'est point mon sujet!

Mon regard traînassait
Sur le sol asphalté
Quand il l'aperçut.
Humble papillon sans passé...
Avait-il assuré sa survie?
Nul ne le sait.
Vous savez, ces papillons
Qu'on ne remarque
A peu près jamais.
Parce qu'ils sont «drabes»,
Je veux dire beiges,
Sans couleur et sans panache.
Parce qu'ils ne vont pas,
Eux,
Passer l'hiver au Mexique
Au bout d'un voyage héroïque.
Il traînassait lui aussi
Sur le sol asphalté,
Caminando lui aussi,
Essayant d'au moins s'élever
De quelques pouces,
Question de rejoindre
La pelouse toute proche.
Incapable de voler
Et marchant comme un mourant.
Quel destin! me dis-je
De venir trépasser
Sur l'asphalte de Mister Loblaws...
Pas même la chance
De cesser de respirer
Entre deux brins d'herbe,
Au pied d'un amélanchier.

Mon regard n'en pouvait plus
D'une telle infortune
Et me fit m'enfuir
Alors que j'aurais dû,
Alors que j'aurais pu,
Simplement le cueillir
Et doucement le déposer,
Comme j'aurais moi-même désiré,
Au pied d'un amélanchier.

Delhorno








jeudi 13 mai 2010

SINECURE

C'est une histoire vraie. Véridique à 100%,  Gibus. Ses acteurs principaux ont passé le Styx il y a belle lurette. Je me crois donc permis de la dire sans causer préjudice à quiconque. Je l'aurais oubliée, n'eût été d'un de ces calepins que je n'ai cessé de noircir depuis mes années de Séminaire et que je viens tout juste de retrouver. Je te narre ceci de crainte de l'oublier ou d'en perdre le fil au fil des ans. Il y a en effet si peu de temps entre vivre et mourir.


Je n'étais pas encore sorti de ma naïveté quand ce trésorier de l'Association des Chirurgiens du Québec -il fut l'un des protagonistes- me la raconta en m'ajoutant d'un sourire narquois qu'il n'y avait rien d'invraisemblable dans cette vie.

«Un printemps, fin des années 90.  Réunion statutaire mensuelle de l'Exécutif du syndicat.  Un de nos membres a demandé d'être entendu par l'Exécutif.
Un quinquagénaire avancé. Chevelure grisonnante. L'air affable. Peu d'entre nous le connaissaient bien, car il était rarement venu aux réunions semestrielles de l'Association. Chirurgien depuis près de trois décades dans un hôpital insignifiant de la toute périphérie de Montréal. Il nous fit bonne impression dès le premier regard. S'avoua fatigué. Requit son transfert dans l'équipe chirurgicale d'un gros hôpital psychiâtrique de Montréal. Ceci lui permettrait d'atterrir en douceur et faciliterait sa présence aux pratiques de l'Orchestre Symphonique: il y était violoncelliste, violoncelliste de haut niveau. Nous pensâmes que nous avions devant nous une association fort inusitée: chirurgin digestif et violoncelliste! Il nous précisa que depuis vingt ans il s'était tapé les aller-retours trois fois par semaine, une affaire de près de trois heures chaque fois, histoire de ne pas manquer les pratiques de l'Orchestre. Son transfert en métropole l'arrangerait fort bien, donc. Aussi nous demandait-il d'agréer et d'ouvrir un nouveau poste dans l'équipe chirurgicale de cet hôpital; les chirurgiens déjà en place avaient même hâte qu'il arrivât!

En fait, notre violoncelliste n'aspirait ni plus ni moins qu'à une sinécure! Encore fallait-il savoir la définition exacte du mot sinécure...

Nous eûmes peine à nous retenir de pouffer de rire. La RAMQ nous avait relayé les statistiques des dernières années. Nous savions pertinemment que cette équipe chirurgicale n'opérait à peu près pas et à peu près plus. Et voilà qu'on entendait la grossir! Le gars nous avait débité son boniment avec le plus grand sérieux du monde...

Je me rappelle, mon cher Delhorno, m'être dit à moi-même:
-Voilà un bon gars, père de famille, détenteur de trois ou quatre diplômes universitaires, chirurgien d'expérience voire même chevronné, bien au fait de la vie québécoise, qui vient nous demander, le plus simplement, le plus naïvement, le plus carrément du monde, de lui donner cent mille piastres par année de l'argent des contribuables québécois pour qu'il puisse jouer du violon dans l'Orchestre Symphonique de Montréal.

Quand on dit que la réalité va même jusqu'à dépasser la fiction!»

Delhorno

mercredi 12 mai 2010

A PROPOS DU TRAVAIL

Panne d'inspiration ce matin, cher Gibus. Je te recopie ce petit texte qui te fera sourire et...

«SI UN JOUR ON TE REPROCHE QUE TON TRAVAIL N'EST PAS UN TRAVAIL DE PROFESSIONNEL, DIS-TOI BIEN QUE: DES AMATEURS ONT CONSTRUIT L'ARCHE DE NOE ET DES PROFESSIONNELS LE TITANIC.»

QUIDAM


Delhorno

mardi 11 mai 2010

LA FRANCE

«Les Allemands, qui ont été des siècles sans fonder leur empire et qui ne l'ont refondé que sur nos ruines et il y a 44 ans, sont de race et ont toujours été des hommes d'empire. Le Saint Empire germanique. Et c'est encore pour cela qu'aucune véritable philosophie de la liberté n'a jamais pu naître en Allemagne. Ce qu'ils nomment liberté, c'est ce que nous nommons une bonne servitude. Comme ce qu'ils nomment socialisme, c'est ce que nous nommons un pâle centre-gauche. Et ce qu'ils nomment révolutionnaire, c'est ce que nous nommons ici un bon conservateur.»
Charles Péguy
«LA FRANCE»

Recopié bêtement ce soir du 11 mai 2010, pour ne pas oublier ce paragraphe mais aussi pour saluer Péguy, que je n'ai pas lu depuis plus ou moins 45 ans.

Delhorno

lundi 10 mai 2010

A PROPOS DES MEMOIRES

«Les mémoires que les gens en place ou les gens de lettres, même ceux qui ont passé pour les plus modestes, laissent pour servir à l'histoire de leur vie, trahissent leur vanité secrète.»

C'est Rivarol qui a écrit cela, Gibus. Je viens de retrouver ce «statement» sur un vieux bout de papier. Qu'en penses-tu? Moi, j'ai pensé tout de suite à De Gaulle, Châteaubriand, Garcia Marquès et Gabrielle Roy, dont j'ai effectivement lu les Mémoires. J'ai cru déceler un peu de vanité chez De Gaulle et Chateaubriand, mais pas chez Garcia Marquès ni chez Gabrielle Roy.

Pourquoi Rivarol est-il si sévère, et pourquoi écrit-on ses Mémoires? Frère Untel a écrit son Journal les dernières années de sa vie, et ça ressemblait à des Mémoires... Disait lui-même écrire "pour être utile, pour instruire». D'autres écrivent pour faire de l'argent. Certains sportifs, par exemple. Engagent souvent un journaliste sportif qui retranscrira ce qu'ils n'ont pas oublié. D'aucuns ont des comptes à régler avec leur temps, avec leurs fossoyeurs, avec la vie, avec la maladie, avec tel évènement qui a marqué au fer rouge leur passage ici-bas et qu'ils voudraient bien amender en leur faveur. Quelques-uns relatent une vie exécrable comme un remède, une médication, qu'ils s'offrent à eux avant tout, aux lecteurs que nous sommes ensuite. Des vaniteux? Probablement.

LES MÉMOIRES D'OUTRE-TOMBE sont classés parmi les chef d'oeuvres de la littérature française. J'en ai lu le premier tome; et ne me laisse pas cette impression que Chateaubriand nourrissait de sa propre personne une très belle opinion. Plusieurs Parisiens à la mode, on les voit souvent à la télévision française, viennent eux-aussi de pondre leurs Mémoires: tel acteur, tel animateur télé. Bien ordinaires pourtant. Des vaniteux? Peut-être...

Delhorno

dimanche 9 mai 2010

LA BROUETTE

Me revoici, Gibus! Classant mes papiers d'autrefois en vue d'un déménagement, j'ai mis la main sur ce paragraphe que je m'empresse de te recopier. Je l'avais noté il y a de ça des lustres.

«Souvenez-vous de la vieille histoire de l'ouvrier soupçonné de vol: chaque soir, en quittant l'usine, la brouette qu'il poussait devant lui était soigneusement examinée, mais les surveillants ne trouvaient rien, elle était toujours vide, jusqu'à ce qu'enfin ils comprennent: ce que l'ouvrier volait, c'était les brouettes. Le penseur est celui qui a fait cette observation, celui qui n'a pas oublié d'inclure au contenu la forme elle-même.»

Celui qui a écrit ça? Un philosophe slovène, Slavoj Zizek. Un pur inconnu, en ce qui me concerne. N'empêche que l'analogie de l'ouvrier et de la brouette est pas mal bonne! Plus qu'une façon de décoder ce texte. Le fond n'est rien sans la forme. Celui qui privilégie la forme aux dépens du fond est un voleur, tout autant que son contraire, celui qui n'a que le fond sans la forme. De quelque façon qu'on retourne cette idée, elle demeure la même: le fond et la forme sont au fond indissociables. Un bon joueur de hockey est celui qui, jouant avec art, marque des buts. Il est rare en effet qu'un joueur sans élégance soit un bon marqueur.

J'y réfléchirai encore, en tout cas.

Delhorno

mardi 4 mai 2010

SENEQUE

Il y a quelques jours, mon cher Gibus, que je ne t'ai donné de mes nouvelles. Me revoici, donc, ce matin, avec un paragraphe de Sénèque. Je dois à DD d'avoir découvert l'ami et conseiller de Néron. LETTRES A LUCILIUS, voilà le titre du livre qu'il m'a offert. A lire, pour quiconque aime la vie. Sénèque y parle des vraies affaires...

«Peux-tu me nommer un seul homme qui sache que le temps a un prix, qui fasse l'estimation de la valeur de la journée et qui réalise qu'il meurt un peu chaque jour? Là est l'erreur, en effet: nous ne voyons la mort que devant nous, alors qu'une grosse partie de la mort est déjà dans notre dos; tout ce que nous laissons derrière nous de notre existence appartient à la mort. Fais donc, cher Lucilius, comme tu me l'écris: saisis-toi de toutes les heures. Ainsi, tu dépendras moins du lendemain, pour avoir opéré une saisie sur le jour présent. La vie court pendant qu'on la remet à plus tard.»

Tu trouveras ce paragraphe au livre Premier, Lettre I, Gibus.

Il s'agit donc du bon vieux CARPE DIEM. Celui qui m'a fait cadeau de Sénèque s'est aussi impliqué littérairement. Il pense sans doute que j'ai jeté son texte au recyclage... Le voici, cher DD:
«Tu apprivoises Montaigne?
Tu goûteras donc Sénèque.
Des ouvrages de petits quotidiens et de grandes sagesses.
Des passés qui se conjuguent au présent.
Posologie?
Ingurgiter à petites doses -en mode soluté, dirait ton ami Hippocrate.

Fraternelles salutations,

Didour»

Force m'est de t'avouer, Gibus, que mon cerveau trop pragmatique a découvert à vingt ans la grande vertu du quotidien bien employé. Faire au moins une chose utile quotidiennement. Il y aura trois cent soixante-cinq problèmes de réglés au bout de l'année. Et si d'aventure tu peux régler plus d'un problème par jour, le nombre d'acquis sera effarant au bout de l'année. Ainsi, on n'est pas loin d'un autre vieux proverbe latin:

«CONSACRE TES HEURES SI BREVES A DES OEUVRES IMMORTELLES»

Bonne journée, Gibus, et... Carpe diem!
Delhorno