jeudi 31 mai 2012

LE PROFESSEUR D'ÉCONOMIE




Un professeur d'économie dans un collège a annoncé qu'il n'avait jamais eu un étudiant qui avait failli son cours mais il s'est retrouvé à faillir une classe entière récemment. La classe entière avait insisté pour dire que le socialisme fonctionne et que,  par conséquent, personne ne serait pauvre ni riche. Un égaliseur extraordinaire.

Alors, le professeur annonça : "D'ACCORD ! nous allons tenter une petite expérience en classe".. Je prendrai la moyenne de toutes vos notes. Vous aurez alors tous la même note, personne ne faillira ni n'aura un A.... ( En remplaçant les dollars par des notes, on aura un résultat plus concret et mieux compris par tous).

Après le premier examen, les notes furent moyennées et tout le monde obtint un B. Ceux qui avaient étudié fort étaient déçus et ceux qui avaient étudié peu étaient ravis. Lors du deuxième examen,  ceux qui avaient étudié peu, étudièrent moins et ceux qui avaient étudié fort décidèrent de prendre la route du peuple libre et étudièrent peu.

La moyenne du deuxième examen fut un D! Personne n'était content.
Lors du troisième examen, la moyenne fut un F.

Pendant les  examens ultérieurs, les notes ne montèrent jamais, les pointages de doigts commencèrent, les jugements dominaient les conversations et tout le monde se sentait mal. Personne ne voulut étudier pour le bénéfice de l'autre.
À la grande surprise de tout le monde, ils faillirent tous. C'est alors que le professeur  déclara que le socialisme était pour faillir ultimement car lorsque la récompense est grande l'effort pour réussir est grand aussi. Mais lorsque le gouvernement enlève toutes les récompenses, personne ne fournira l'effort ni voudra réussir.
Cela ne pourrait être plus simple.

Les 5 phrases qui suivent sont possiblement les meilleures conclusions sortant de cette expérience:

1. Vous ne pouvez pas ordonner aux pauvres  d'obtenir le succès en ordonnant aux riches de ne plus en avoir.

2. Ce qu'une personne reçoit sans avoir à travailler , une autre personne doit travailler sans en recevoir la récompense.

3. Le gouvernement ne peut donner quelque chose à quelqu'un sans l'avoir enlevé à quelqu'un d'autre auparavant.

4. Vous ne pouvez pas multiplier la richesse en la divisant!

5. Lorsque la moitié du peuple perçoit l'idée qu'ils n'ont pas besoin de travailler car l'autre partie va s'occuper d'eux et lorsque l'autre moitié comprend que ça ne vaut pas la peine de travailler car quelqu'un d'autre récoltera ce qu'ils méritent par leur efforts, cela est le début de la fin de toute une nation.

mercredi 30 mai 2012

TRENTE MAI RIME AVEC DÉDÉ

Trente mai mil neuf cent quarante-six.  J'avais deux ans: je ne pourrai témoigner bien fort.  Je me rappelle toutefois de ce que  disait maman.  Accouchement difficile, docteur Tanguay, dans le loyer plus tard dévolu à Claire Muckle; tu t'es présenté les fesses en premier, une rareté!  J'ai vu ou pratiqué une centaine d'accouchements durant mon internat: pas un siège.  Ton épaule, -la droite ou la gauche?- en fut traumatisée.  Pas de séquelles, heureusement. 


Mes premiers souvenirs?  Maman nous lavait ensemble dans le «bâleur».  La photo où, en habit de sénateur, tu conduisais le tricycle et moi la jeep.  Cette fois aussi où tu trébuchas dans le pot de peinture rouge en face de la maison de Padoue Côté...  As-tu oublié comment maman était découragée et le bonhomme XYZ enragé?  


Donc, nous avons grandi ensemble, Dédé, mêmes écoles, mêmes loisirs, mêmes préoccupations.  Des tas de souvenirs me reviennent, qui me font sourire.  Cette fois où tu as peinturé le plancher du sous-sol de l'École Notre-Dame en gris deux tons!  Tu avais oublié de brasser ta peinture.  Le concierge s'arrachait les cheveux et Mutt... Nous pratiquions le baseball devant le garage de Lorenzo Truchon.  Ça lui a coûté une nouvelle porte de garage quand nous quittâmes pour l'université.  Cette autre fois où, la nuit de Noël, tu as servi les trois messes de l'abbé Antoni La Lenteur entre minuit et trois heures du matin.  Maman était fru...   


Le golf!  Nous avons commencé ça ensemble, l'as-tu oublié?  J'avais terminé ma sixième année.  Toi, tu avais dix ans, je pense.  Deux sur le même sac.  Des bâtons à tige de bois.  Nous perdions des balles.  J'en suis resté traumatisé jusqu'à tout récemment.  Mon meilleur souvenir est toujours le même: nos neuf-trous le soir à cinq heures en compagnie d'Alain Gagné ou de Nicole Janelle.  Tu perdais la parole, t'en souviens-tu, au bout d'un hook dans la coulée du quatre.  Moi, j'avais envie de rire et je détournais la tête.  Marcel, quand ça allait mal, il se choquait ben noir, le temps d'un feu de paille.  Toi, tu recommençais à parler aussitôt que tu tirais un par ou un birdie.  Mutt nous regardait aller du haut de la côte.  Et maman nous attendait pour nous faire manger à huit ou neuf heures.  Dieu que la vie était douce dans ce temps-là...


J'arrête là mon radotage, Dédé.  Mais je pourrais continuer!  Tu reçois ta pension des vieux depuis un an déjà.  Tes enfants, comme les miens, vivent éparpillés.  Nos femmes sont restées avec nous; le contraire aurait pu arriver.  Tes qualités?  Un beau sens de l'humour.  Tu étais le seul à pouvoir faire sourire Mutt.  Affabilité.  C'est un vieux mot qui semble ne plus exister; synonyme de courtoisie, bonté, bienveillance, amabilité.  Tu ne m'as jamais brusqué, jamais humilié, jamais frappé.    Humilité, aussi, je pense.  Honnêteté, incontestablement.  Sur qui l'on peut compter, invariablement.  


Donc, une belle journée, André.  Tu auras été un bon frère pour moi.  J'aurais seulement aimé que tu m'appelles un peu plus souvent.


Tu veux un cadeau de fête?  Le voici, directement de l'ancienne Rome, sous Néron.  Sénèque, ton vieil ami:
-Je t'en citerai beaucoup qui n'ont pas manqué d'amis, mais à qui l'amitié a manqué.
Je me suis délecté des mots de cette phrase, et c'est grâce à toi si j'ai découvert les LETTRES À LUCILIUS.




Bel anniversaire Dédé!
Cl. 




      
























     

mardi 22 mai 2012

QUIPROQUO

L'Égyptien Beshay me pria de voir son patient qu'on avait,  sous son égide et urgemment, hospitalisé en raison d'un syndrome abdominal aigu.  L'homme se nommait Archibald Babcock, ce qui pourrait en français se traduire par Ultrachauve Bébécoq. Il me précisa, non sans une certaine fierté, qu'on se prénommait Archibald dans sa famille depuis plus de trois cent ans.  Effectivement, son petit intestin était bloqué complètement.  Ventre énormissime.  Il vomissait.

Je recommandai que nous l'observassions une journée ou deux avec succion nasogastrique.  Il arrive souvent en effet que ces occlusions se résolvent spontanément.  Ce fut inutile.  Ce matin l'évidence était nette que le blocus régnait en maître et qu'une intervention chirurgicale s'imposait. 

Je lui expliquai tranquillement ce qu'il devait savoir.  La chirurgie fut pratiquée en fin d'après-midi.  L'iléon était bouché par une corde adhérentielle due aux chirurgies antécédentes.  La sectionner fut l'affaire de quelques minutes. 

J'avais donné rendez-vous à madame à la sortie du bloc opératoire.  Elle était absente.  En revanche, un couple était là qui semblait m'attendre.  Archibald m'avait dit qu'il avait un fils qui demeurait à  Tide Head, pas loin de chez lui.

-Vous êtes le fils de mon patient?
-Oui!
-Votre père souffrait d'une obstruction du petit intestin causée par des adhérences.    
-Quelle est la cause de ces adhérences?
-Les deux chirurgies antécédentes subies par votre père.  Le péritoine semble se défendre ainsi contre les intrusions chirurgicales.

Je lui crayonnai un schéma de l'anatomie en cause et de la stangulation iléale que j'avais observée.  Une dame était entrée dans le cubicule durant notre conversation, laquelle conversation semblait l'intéresser au plus haut point.  La dame et son fils ne semblaient point s'accorder l'intérêt et la chaleur qu'on aurait escomptés...  Je me dis qu'il y avait peut-être chicane dans la famille, que...   Je détournai mon regard du fils:

-Mais vous êtes l'épouse de monsieur Babcock?
-Oui, nous nous sommes rencontrés avant l'opération.  J'étais en train de me dire que vos explications s'appliquaient fort bien à la situation de mon mari!
-Mais vous, monsieur, quel est le nom de votre père?
-Hector Hachey.
-Pourquoi m'avez-vous laissé parler?
-Euh!
Sa compagne, attrapant la balle au bond, se dépêcha d'expliciter qu'Hector Hachey, son beau-père, en plus d'avoir été opéré à une main, avait un problème abdominal. 

QUIPROQUO, pensai-je sur-le-champ.  

1957.  Éléments latins.  J'avais douze ans.  La grande feuille blanche du frère Raymond.  S'y trouvaient une trentaine de latinismes: NEC PLUS ULTRA-NE QUID NIMIS-ALEA JACTA EST- HOMO HOMINI LUPUS- VIRTUS POST NUMMOS - TRADUTTORE TRADITTORE- QUIPROQUO.
Ils m'avaient suivi toutes ces années, gravés j'ignore où,  là où je cogite et ergote.

J'enlevai des mains du fils Hachey le schéma que je venais de dessiner et le donnai à la dame Babcock sans oser regarder ni à droite ni à gauche.  Je saluai ces gens et sortis aussitôt du cubicule.  Là, dehors, dans le corridor, je pouffai de rire!
Un QUIPROQUO...

Delhorno    


    

lundi 21 mai 2012

VIVRE SON DÉVOLU OU JETER SON DÉVOLU?

Le tenancier du bar:
-C'est bon dans un sens, car ils (les carrés rouges) viennent vivre leur «dévolu» dans les bars après la manifestation au lieu de retourner à la maison.

Je n'ai pu m'en empêcher...  Quand avais-je utilisé le mot «dévolu»la dernière fois?  Et peut-on vraiment «vivre son dévolu»?  Ne serait-il pas mieux et plus approprié de «jeter son dévolu»?  En bout de ligne, quelle  est la véritable signification du mot DÉVOLU?

Je me rends compte que j'ai jeté mon dévolu sur des objets, un ordinateur, un saxophone, mais que je n'ai pas jeté mon dévolu sur personne de toute ma vie!  Comment ça?  Voici donc, lecteur, ce que je viens de trouver: 

« Jeter son dévolu »


Faire un choix définitif
Décider d'obtenir

 
Le mot 'dévolu', dérivé du latin 'devolvere' apparaît au XVIe siècle en tant qu'adjectif dans le langage juridique avec le sens de "conféré par droit".
Un tout petit peu plus tard, en tant que nom masculin, il est utilisé lorsque, suite à l'incapacité ou à l'indignité de son possesseur, un bénéfice religieux échoit au pape ('échoir' était un des sens de 'devolvere') qui en dispose alors pour quelqu'un d'autre.
Ce principe de dévolution (pas celle de 1789 !) a autrefois provoqué des abus lorsque certains ecclésiastiques dénonçaient parfois à tort les prétendues turpitudes de certains de leurs collègues avec l'espoir de récupérer une part de leurs possessions une fois celles-ci dévolues au pape.

Par extension, le terme est rentré dans le langage commun, avec le sens de "revendication pour soi" sans oublier le sous-entendu de spoliation éventuelle du possesseur initial, si la chose revendiquée n'était pas libre.

Ainsi, jeter son dévolu c'était comme jeter un filet pour attraper une proie : lorsqu'un hommejetait son dévolu sur une femme, celle-ci n'était pas forcément libre, mais l'intention de 'posséder' était pourtant bien là.

Aujourd'hui, et depuis la fin du XVIIe siècle, jeter son dévolu, c'est principalement arrêter un choix définitif, parfois après de longues hésitations.
Mais le deuxième sens proposé existe toujours, encore avec cette connotation d'appropriation parfois abusive.




Il semble bien qu'il est impossible de  «vivre son dévolu» et que donc le tenancier du bar nous a «pété de la broue».  Il est aussi évident que la véritable signification du mot DÉVOLU m'avait échappé jusqu'à date...  

Bonne semaine!
Cl. 
  

mardi 15 mai 2012

QUINZE MAI 2012

Quinze mai 2012.  C'est donc, Marcel, ton anniversaire.  Soixante-trois ans.  Tant de souvenirs...

C'est Mutt qui t'a permis de vivre.  Tu saignais de ton cordon ombilical.  Peu après l'accouchement, il s'était rendu à la pouponnière te regarder,  comme ça, presque par hasard;  il se rendit compte qu'il y avait trop de rouge sur ton ventre.  

Quand tu naquis, nous demeurions encore dans la maison ancestrale, dans ce loyer qu'occupa par la suite François Truchon.  Je me répète sans doute.  Maman avait placé ton petit lit devant la fenêtre qui regardait la maison de monsieur Sergerie.  J'allais te voir, je n'avais que cinq ans, et j'éclatais de rire, ce qui te réveillait, au déplaisir de maman.

Papa, dans la cour du couvent Notre-Dame, allait te porter des bonbons qu'il venait d'acheter chez Petol, t'en souviens-tu?

Le baseball, ton retrait par Ruben Gomez au premier but, le golf, la finale contre Jacques Tremblay, et le hockey...  L'équipe juvénile, tu jouais dans l'équipe B, victime de la Delislerie, t'en rappelles-tu?  Le National, les finales contre Chicoutimi, j'ai encore en mémoire quelques-uns de tes buts et de tes passes.  Le Rouge et Or, Jean-Charles Quelqu'un, la commotion cérébrale aux États-Unis, le chapeau russe acheté aux États, ce match où j'allai te voir avec Francine à l'aréna Victoria.

Mes plus beaux souvenirs?  Nos voyages de pêche!  Un avant-midi sur le Grimard.  Le ciel était gris.  Nous allâmes au bout du lac, vers la droite.  Y avait pas creux d'eau.  Et tout d'un coup, une heure de temps, ça mordait comme jamais nous n'avions vu!  J'y suis retourné deux ou trois fois, tu sais, avec Annie et Francine.  Je n'ai plus jamais pris une truite à cet endroit.  Le site de pêche, sur le Grimard, c'est tout juste en face des chaloupes, là où il y a un cran sur la gauche.  Une autre fois, secteur Pikauba, une longue marche en forêt, ce lac du bout du monde, pas de moteur.  Ça mordait au bout du lac,  au pied d'un petit ruisseau qui descendait de la montagne.  Et ce voyage en avion au nord de Chicoutimi.  Organisé par le docteur de Québec.  Trop d'étrangers, il est vrai.  Mais je n'ai jamais oublié ce portage à six heures du matin, un beau soleil, et ce coup de queue de castor dans le petit lac, à gauche.  Je regrette maintenant de ne pas être allé à Anticosti la fois où...  Une autre fois, un automne, à la chasse cette fois.  Y avait là Mutt, Gaston, toi et moi.  Cette colline où le chemin surplombait le ruisseau du Cran-Rouge.  Tu avais vu les loutres  qui glissaient sur la berge dans l'eau du ruisseau.  Je n'ai jamais vu qu'une fois un tel spectacle dans ma vie.

Non, je n'oublie pas tes amygdales, Dieu qu'elles étaient grosses, dans ta chambre à l'université.  Je le sais, j'aurais pu, j'aurais dû, mieux m'occuper de toi.  On t'hospitalisa à Chicoutimi par la suite, dans ce département de diarrhéiques et d'infectés qui n'existe plus.

D'autres souvenirs?  Le tennis au lac Beauport.  Nos parties de golf au Royal Québec.  Tu ne pourras jamais t'imaginer comment ça nous faisait plaisir.  Et, récemment, nos visites au lac à l'Ange, les périples en quatre-roues dans les montagnes des alentours, tes prétentions de Nemrod,  «I will survive» de Gloria Gaynor.  

Eh bien!  Bonne fête Marcel!  Longue vie!
Cl.  





dimanche 13 mai 2012

ELLE S'APPELAIT LUCILE

Mes premiers souvenirs datent de la fin des années quarante.  Le logement jouxtant celui de François Truchon.  Elle me faisait manger de la sauce aux oeufs sur la table de cuisine face à la fenêtre de derrière.    Cette fois où elle nous lavait, Dédé et moi, dans le bac de métal.  Car il n'y avait ni bain ni douche dans l'appartement.  Plus tard, la naissance de Marcel dont le ber était situé sous la fenêtre du côté de monsieur Sergerie;  elle ne voulait pas, pour qu'il dormât, que nous rissions ou parlassions trop fort.  Et cette autre fois, septembre mil neuf cent cinquante, quand elle vint me conduire au collège St-Edouard pour la première fois.  Le gros Jocelyn Girard pleurait tellement que sa mère le ramena à la maison:
-Viens t'en!  Tu te reprendras l'année prochaine.
Lucile et moi avons ri des années en nous remémorant ces instants. 

Ma bronchopneumonie, en 1956. La semaine que je divaguais, elle me veilla jour et nuit.  Elle fit venir le docteur Tanguay, qui m'injecta une dose de pénicilline.  Je manquai un mois d'école.   

L'année que nous déménageâmes dans notre nouvelle maison.  Elle travaillait tout le temps.  Cousait soir et nuit pour diminuer les dépenses.  Jamais de vacances, ou si peu.  Un voyage à New York, en 1953, si ardûment gagné.  Août 1960.  L'infarctus.  Nous montions à Chicoutimi tous les soirs.  Trois semaines dans la 309, St-Camille.  Ils avaient $5000. «de côté».  N'avaient plus un cent quand il recommença à travailler.  L'épicier ne voulait plus leur faire crédit.  Je ne l'ai jamais entendu se plaindre, ne l'ai jamais vue pleurer.  Malgré l'incertitude...  Allait-il jamais réintégrer son emploi?  La vie des enfants n'en fut jamais perturbée.

Elle était mon amie.  Nous arrêtions chez Vio Rest-o-Rang en revenant de l'hôpital.  Hot-dog, coke et frites.  D'autres fois, j'allais chez Polo Cossette.  Ou chez Lucien Ouellet: Radiomonde, Nouvelles et Potins, Paris Match.  Le voisin me voyait passer, souvent, et venait emprunter les journaux avant qu'elle ne pût les lire, ce qui la mettait hors d'elle.

Pensionnaire au Séminaire.  Je venais à la maison les dimanche midi.  Un gros repas m'attendait.  C'était encore elle.  Elle passait l'après-midi à laver mon linge.  Ce temps des études où personne n'arrivait à la même heure pour souper; il y avait toujours un repas pour chacun.  Toujours, ou presque, de bonne humeur.  C'est à elle que j'annonçai, décembre 62, que Bill Wabo ne me voulait plus dans son pensionnat.  Il fallait ménager Mutt...

Le matin, au lever.  Le radio que Mutt avait acheté.  C'est ensemble que nous entendîmes pour la première fois PETITE FLEUR de Sydney Béchet et LE CHAPEAU de Guy Béart.  Quelques jours plus tard, elle jouerait PETITE FLEUR, «à l'oreille», au piano...  
-Qu'est-ce que je te prépare pour déjeuner?
Je ne le savais jamais.  Elle se fendait en quatre pour m'offrir quelque chose qui me plût.  Encore de bonne humeur.  Mutt était là, à ne rien dire.

L'université.  Mon linge, que je lui descendais aux deux semaines, et qu'elle lavait et repassait.  Les gâteaux aux fruits que je ramenais.  Les cinq piastres hebdomadaires qu'elle me ramassait indéfectiblement et que je plaçais dans mon porte-monnaie comme s'ils m'avaient été dus.   Nos conversations impromptues dans la cuisine.  J'aurais dû la questionner davantage.  J'aurais dû l'aider davantage.  J'aurais dû...

J'étais là, ce vendredi après-midi funeste.  Jamais je n'oublierai son regard inquiet quand on la sortit de l'ambulance.  J'étais là quand son coeur la lâcha.  Il était trop tard.  J'aurais donc dû...

Bonne fête, maman.
Cl. 

dimanche 6 mai 2012

ALFRED, ONTARIO

Aujourd'hui, dimanche le 6 mai 2012, j'ai mangé un hot-dog-frites à Alfred,  village ontarien situé sur la rive occidentale de la rivière des Outaouais.  Pour un natif de Port-Alfred-Saguenay comme moi, cette halte à mi-distance sur l'ancienne route Ottawa-Montréal revêtait un charme certain.  Y a-t-il, sur notre débris d'étoile,  tant de bourgs et villages qui ont cette chance de s'appeler Alfred?  Je savais déjà qu'il existait un autre Port-Alfred en Afrique du Sud, face à l'océan Indien.

Alfred, Ontario, majoritairement francophone en passant, doit son nom à l'un des fils du roi Georges III.  C'est en tout cas ce que la municipalité écrit sur son site internet.   Port-Alfred, Afrique du Sud, s'auréole de l'un des fils de la reine Victoria.  Port-Alfred, Saguenay, a été nommée en l'honneur de Julien Édouard Alfred Dubuc, fondateur de ma ville natale.

En 1917, Dubuc fonde à l'aide d'investisseurs anglais, Ha! Ha! Bay Sulphite, près de Bagotville (aujourd'hui arrondissement La Baie) au Saguenay, usine qui fabrique une nouvelle pâte chimique. Du même coup, il fonde la ville de Port-Alfred (aujourd'hui arrondissement La Baie), qui porte son nom, afin de loger les ouvriers à proximité des installations.

Le détail précité a son importance...  Il est à l'origine de la venue à Port-Alfred de mon grand'père, François Dufour Bédais et de sa famille, dont mon père Roland et mes oncles et tantes Dufour.

Paradoxalement, Gibus, le destin des trois Alfred dont il est question ne fut pas particulièrement glorieux.  Laisse-moi t'expliquer.  Le fils de la reine Victoria a joint le parti nazi dès sa fondation, fut nommé général par la Wehrmacht, fut dépossédé de ses propriétés est-allemandes par les Russes et fut renié par sa patrie d'origine, l'Angleterre.  Le fils de Georges III fut un illustre inconnu, aussi peu renommé que le marquis de Jonquière, dont l'unique exploit fut de donner son nom à la voisine de Chicoutimi.  Quant à Julien Édouard Alfred Dubuc, il aurait été, selon Wikipédia, l'homme économique canadien-français le plus célèbre de son temps.  On l'adulait autant en Europe qu'en Amérique.  Ironie du sort, moins de cent ans plus tard,  tout ce qui constituait le joyau dubuquien, «La Compagnie de Pulpe de Chicoutimi», et j'inclus ici les installations de Port-Alfred, de Chicoutimi, de Val-Jalbert et de Chandler, s'est perdu dans un oubli relatif, suite aux revers économiques qui marquèrent l'industrie des pâtes et papiers.  Le moulin de Port-Alfred, le dernier survivant, vient d'être complètement démantelé.  On a fait de Val-Jalbert et Chicoutimi des sites (trappes?)  touristiques, tandis que Chandler, qu'on est en train de doucement débâtir, a cessé de fonctionner il y a plusieurs années.

À connaître un peu d'histoire,  on peut se demander s'il vaut la peine de s'appeler Alfred...

Delhorno  

jeudi 3 mai 2012

FLAQUE D'EAU SUR MON PLANCHER DE BOULEAU

Lundi matin.  7 heures.  Le lave-vaisselle est plein.  Je place un petit sachet de savon Cascade dans le boîtier «Ad hoc» et pèse sur les deux boutons de mise en marche.   Je cours chez mon ami Apple où m'attendent de vieux amis:  LE QUOTIDIEN, LA PRESSE, LE JOURNAL DE MONTRÉAL.


Zut!  L'eau bout.  Je me relève faire les cafés.  En passant, mes matins ont bien changé depuis une décade.  Sur Marguerite-Tellier, à Chicoutimi, j'ouvrais à peine la porte d'entrée que LE QUOTIDIEN de papier sautait dans mes mains.  Dix ans plus tard, je n'achète plus aucun journal de papier.  Dire que je suis fils d'un papetier de la Consol, laquelle fournissait le «newsprint» aux grands quotidiens américains.  Disparu, le moulin à papier de Port-Alfred...  As-tu déjà oublié, Gibus, cette époque où Péladeau le père prétendait manquer de papier-journal pour imprimer son Journal de Montréal?


Comme je tourne le coin du comptoir de la cuisine, mon regard est attiré par un reflet cristallin sur le plancher attenant au lave-vaisselle.  Bon Dieu de Sorel!  Une flaque d'eau sur mon plancher de bouleau!  Et le PVC du comptoir qui est humide et éméché!  Sans compter le temps,  le temps,  oui,  qui m'a rendu incapable de me plier pour amorcer quelque chose, un diagnostic, une réparation, que sais-je?  Enfin!  Elle arrive, capable de se plier, elle.  Dévisse deux petits panneaux frontaux.  Rien à faire, surtout pas un diagnostic.  Je devrai appeler le technicien.


Montréal n'est pas Chicoutimi...  À Chicoutimi, j'aurais appelé le garçon du barbier Maurice Lavoie, celui que je connais depuis plus de cinquante années et qui me réparerait mon lave-vaisselle comme un frère.  Montréal, ce n'est pas Chicoutimi.


J'ai écrit «Réparateur de lave-vaisselle» sur le casier Google.  Une vingtaine de propositions me sont apparues.  Laquelle choisir?  Je ne détiens aucun indice, aucune référence.  Je pitonne au hasard...  La réceptionniste va m'envoyer le technicien dans l'après-midi. 


Le voici donc.  
-Aimez-vous votre métier?
-Je travaille pour la compagnie depuis 20 ans.  Auparavant j'étais technicien chez Sears.  J'adore le contact avec le public.


Il démontera le panneau-avant.  Le diagnostic?  Usure de deux «gaskets».  Il les commandera par téléphone.  Je me perds dans une réflexion linguistique.  Comment peut-il se faire que tous les Québécois appellent «gaskets» des joints d'étanchéité?...  Il me sort de ma torpeur:
-Ça ne vous coûtera pas cher, monsieur Delhorno.  $45.00 pour les deux pièces.  Je les aurai demain et je serai ici à 9h30.  Pour aujourd'hui, diagnostic et déplacement, c'est $85.00.   


Ultra-facile de payer.  Il sort ce bidule électronique sans fil qui accepte sans rechigner les cartes de crédit.  Tout est réglé en trente secondes.  


Il reviendra le lendemain.  Un jeu d'enfants que d'installer ces deux nouveau «gaskets».  
-Aujourd'hui, monsieur Delhorno, pièces et main-d'oeuvre, ce sera $79.00!  En passant, le savon Cascade est bon, mais ce n'est pas le meilleur.  Pour les électroménagers, je suggère d'acheter la marque Whirlpool.


Zut!  J'ai oublié la marque de l'autre savon...  J'aurais dû l'écrire.  Zut!  Zut!  Nous n'avons aucun électroménager de marque Whirlpool dans la maison.  J'ai encore fait une erreur dans cette vie...


Delhorno        
       



mercredi 2 mai 2012

TEXTE DES LUCIDES. Lucien Bouchard et al


Au tour des étudiants

Tous les Québécois ont été appelés à mettre l’épaule à la roue pour rehausser le financement de nos universités

Il est plus que temps de se ressaisir : il faut rétablir l’ordre, les étudiants doivent retourner en classe et tous les efforts doivent être déployés pour sauver un trimestre déjà terriblement compromis.
La société québécoise fait face à un choix assez simple, mais qui semble difficile à accepter pour certains : devons- nous rehausser le financement de nos universités en demandant aux étudiants de payer une part raisonnable de leur coût de formation?
PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE
Pour une fortemajorité dequébécois, et pour les deux tiers des étudiants, la réponse est oui.
Une société distincte fortement minoritaire en Amérique du Nord ne pourra se développer que si nous avons accès à des travailleurs hautement qualifiés ayant reçu une formation de première qualité. Les Québécois ont compris qu’il faut trouver un équilibre entre l’effort fourni par l’ensemble des contribuables et celui demandé aux étudiants.
Surtout, une grande majorité de Québécois reconnaissent la nécessité de mieux financer nos universités tout en se dotant d’un système bien calibré pour s’assurer de l’accessibilité aux études universitaires.
C’est d’ailleurs ce que nous avons proposé en février 2010, alors que nous unissions nos voix pour signer un pacte qui réclamait un meilleur financement de nos universités. Nous basions notre proposition sur quatre principes fondamentaux : l’accessibilité, l’équité, l’excellence et l’efficacité.
Dans le but de rapprocher les droits de scolarité québécois de la moyenne canadienne, nous avons proposé à l’époque une hausse de 1000$ par année pendant trois ans. Une telle hausse s’avère nécessaire pour rattraper le retard engendré par le gel des années précédentes.
Cette hausse devait s’accompagner selon nous d’un engagement formel du gouvernement à ne pas diminuer sa contribution, d’une bonification importante du régime de prêts et bourses et de la mise en place d’un programme de remboursement proportionnel au revenu.
Nous demandions aussi de différencier les droits selon l’établissement universitaire, le niveau d’études et le secteur disciplinaire pour refléter davantage les coûts de formation et les rendements personnels variables de l’investissement en éducation, ce qui permettrait de réduire les droits dans certains secteurs et de les augmenter dans d’autres.
Le gouvernement a annoncé dans son budget 2011 une augmentation des droits de scolarité de 325$ par an sur cinq ans. Puis, à la lumière de la réaction des associations étudiantes, le gouvernement a fait plusieurs concessions, la dernière étant d’étaler la hausse des droits sur une période de sept ans, ce qui revient à une hausse de 254$ par année. Il a également, comme le démontre éloquemment le fiscaliste Luc Godbout, bonifié substantiellement le régime de prêts et bourses, répondant aux préoccupations liées à l’accessibilité.
N’oublions pas que le gouvernement duquébec avait décidé dans son budget 2010 d’augmenter sa propre contribution à l’éducation supérieure et demandé une contribution supplémentaire du secteur privé afin d’éponger le déficit annuel récurrent des universités, d’environ 600 millions en 2010.
Bref, tous ont été appelés à mettre l’épaule à la roue. Au tour des étudiants de s’engager.
Nous écrivions lors de la signature du pacte que « la situation exige que nous arrivions collectivement à une entente » . Le temps est venu de s’entendre.
La contestation étudiante a depuis longtemps dépassé l’enjeu d’une simple augmentation des droits de scolarité. L’ampleur des perturbations qu’on fait présentement subir à la société québécoise n’entretient aucune mesure avec la portée de la décision gouvernementale.
Il est plus que temps de se ressaisir: il faut rétablir l’ordre, les étudiants doivent retourner en classe et tous les efforts doivent être déployés pour sauver un trimestre déjà terriblement compromis. Voici une situation où, au- delà de toute allégeance politique, la population doit donner son appui à l’état, ultime responsable de la paix publique, de la sécurité des personnes et de l’intégrité de nos institutions.
D’éventuelles élections donneront aux citoyens l’occasion de statuer sur le débat en cours et de départager les responsabilités de tous les intervenants. C’est ainsi que les sociétés démocratiques résolvent leurs conflits et font leurs arbitrages: dans l’urne plutôt que dans la rue.
Se trouvera- t- il des étudiants pour le rappeler à leurs pairs et, dumême coup, aux leaders politiques de demain qui se pointent parmi eux? Incidemment, ne devons- nous pas attendre de ces derniers qu’ils fassent leur apprentissage démocratique en dénonçant les adeptes de la désobéissance civile?

A PROPOS DU BOYCOTT ÉTUDIANT: PIERRE CALVÉ


La crise étudiante: cessons de rêver en couleurs!

Publié30 avril 2012 à 11h20
Mis à jourle 30 avril 2012 à 11h43Publié30 avril 2012 à 11h20
Mis à jourle 30 avril 2012 à 11h43
  






 



Pierre Calvé
PIERRE CALVÉ
Professeur de linguistique
Nous sommes témoins, dans cette crise, d'un véritable dialogue de sourds entre ceux qui sont en faveur du dégel et ceux qui ne le sont pas.
Certains contestataires et leurs partisans ont perdu tout sens de la mesure et tiennent des propos carrément outranciers envers les représentants du gouvernement.
Ils leur prêtent les intentions les plus loufoques, comme si Mme Beauchamp, par exemple, était une personne méprisable, à la solde de riches corrompus, du simple fait qu'elle défend une décision difficile prise par un gouvernement dûment élu, et ce sans céder, comme d'autres l'ont fait avant lui, aux pressions d'un regroupement particulier, aussi nombreux, jeune et fougueux soit-il.
Rappelons que le Québec, avec une population qui compte à peine 75% de celle de l'agglomération parisienne, et dont plus de 40% ne paie aucun impôt, doit entretenir un réseau de 17 universités (incluant les écoles de hautes études comme l'École polytechnique) et 48 Cégeps.
Comment les universités peuvent-elles attirer les meilleurs professeurs, qui à leur tour attireront les meilleures subventions, sans leur offrir les équipements, bibliothèques, laboratoires, salles de cours qui seront à la fine pointe du progrès et permettront à nos institutions de se comparer favorablement aux meilleures plutôt que devenir de grands collèges anonymes, leaders en rien, comme il en pullule dans le monde sans que jamais on n'entende parler de leur réputation ou de leurs réalisations?
Si les frais avaient augmenté régulièrement, raisonnablement, tout au long des 40 dernières années, nous ne ferions pas face à cette crise alors qu'un gouvernement essaie de rattraper 40 ans de gels en 5, 6 ou 7 ans.
Quand je suis arrivé à l'Université d'Ottawa, en 1969, plus de la moitié des étudiants francophones venaient du Québec. Avec le gel au Québec et l'ouverture de l'Université du Québec en Outaouais, la proportion à considérablement diminué. Les étudiants québécois auraient sûrement continué à étudier en grand nombre à Ottawa, et à payer les frais exigés, n'eût été de ces facteurs.
Entretemps, les inscriptions à Ottawa sont passées de 16 000 à 35 000, et ce malgré une très forte hausse des frais de scolarité. Et les étudiants ontariens ne sont pas plus riches que les étudiants québécois.
Des élections s'en viennent et les étudiants pourront démocratiquement faire valoir leur cause et tenter de défaire, mais pas tout seuls, pas dans l'anarchie, celui et ceux qu'ils tiennent responsables de leurs déboires.
Ce n'est pas en grignotant ici et là dans les salaires de quelques-uns, dans le gaspillage de quelques autres, que le Québec pourra continuer à assurer, ainsi qu'à leurs enfants, une éducation supérieure digne de ce nom.
Le gel des frais de scolarité a été une décision politique, non réaliste financièrement, et des correctifs s'imposent, malheureusement à court terme.
La dette du Québec dépasse les 200 000 000 000 $, et continue de croître. La population vieillit, le nombre de travailleurs diminue proportionnellement aux retraités, les demandes en soin de santé augmentent de façon exponentielle...
Comment les boycotteurs peuvent-ils justifier une telle demande de gel, voire de gratuité, pour un service dont ils seront, par l'éducation qu'ils reçoivent et par ce qu'elle leur rapportera, les plus grands bénéficiaires?

L'auteur a été professeur au département de linguistique et à la faculté d'éducation de l'Université d'Ottawa de 1969 à 2001. Il a été doyen de cette faculté de 1994 à 1997. Il est détenteur d'un doctorat en linguistique de l'Université Georgetown, à Washington D.C.