dimanche 17 février 2013

SE BAIGNER DANS LE GANGE A ALLAHABAD

SE BAIGNER DANS LE GANGE A ALLAHABAD.  «Au moins 22 personnes sont mortes dimanche dans une bousculade à l'issue d'une journée où plus de 30 millions de pèlerins hindous se sont baignés dans les eaux du Gange lors de la Kumbh Mela, le plus grand festival religieux au monde, qui se tient tous les douze ans à Allahabad, dans le nord de l'Inde.
Dix personnes sont mortes au  d'une bousculade survenue à la gare ferroviaire d'Allahabad, a déclaré un responsable local des chemins de fer, Harindra Rao, et 12 autres ont succombé à leurs blessures alors qu'on les emmenait vers des hôpitaux, selon l'agence de presse indienne PTI.»


Ces deux paragraphes sont tirés, Gibus, du journal Le Parisien. Je te les reproduis en guise d'entrée en matière pour ce qui va suivre.

Il s'agit de mon anesthésiste hindou encore une fois.  Il avait le verbe facile samedi matin.  Son père.  Soixante-dix-huit ans.  Bijoutier de métier.  Pontages aortocoronariens vingt ans plus tôt. Venu visiter son fils en juin 2012.  En compagnie de son épouse. Sont restés six mois.  Semblaient se plaire au fond de la baie des Chaleurs.  Le bonhomme, quand il a vu s'abattre les premières grosses tempêtes de neige de janvier, il a paniqué et ordonné à son fils d'acheter sur-le-champ les billets du retour.  Aucun argument ne pouvait le contraindre à changer d'idée...

Il cachait quelque chose...  Comme toujours, la vérité a trouvé moyen de sortir du puits au fond duquel on l'avait poussée.  Le vieil homme avait décidé d'aller se tremper dans les eaux du Gange à Allahabad, dans le nord de son pays.  Ce qui engendra une escarmouche verbale entre le père et son fils.

-Pourquoi, bondance, veux-tu aller te baigner là, à soixante-dix-huit ans, quand tu n'as pas voulu y aller les dernières quarante années alors que tu étais en bien meilleure santé?

-Parce que...  tu le sais pourquoi.

-Tu sais que tu peux y mourir, à ton âge.  Ne compte pas sur moi pour aller chercher ta dépouille à travers trente millions de pélerins.  Elle attendra sur le bord du fleuve les trois jours que durera la baignade.  Et va voir si nous pourrons t'identifier, voire même te trouver, après trois jours!

-Je n'ai pas peur de mourir!

-Une autre chose à laquelle tu n'as pas pensé, papa!  Trente millions de personnes qui vont uriner et déféquer au moins une fois par jour dans le Gange!  Sais-tu ce que deviendra le Gange?  Un «shit pot».  Et tu vas te baigner dans ça?  Des milliards de bactéries!  Tu vas là pour mourir, papa, et je te défends d'y aller.

Le quasi-octogénaire abdiqua sur un point.  Il n'irait pas dans le Gange.  Mais son fils dut acheter les billets d'avion.

Delhorno

samedi 16 février 2013

LIFE IS CHEAP IN INDIA...

Entre deux patients, Gibus, ce matin.  Mon anesthésiste déjeunait.  Des rôties de pain brun et du beurre d'arachides.  J'arrivai entre la première et la deuxième tranche.

Nous avions traité ensemble, l'été passé, un patient qui souffrait d'une colite à Clostridium Difficile.  Insuffisance rénale aiguë.  Choc septique.  Nous avions dû le transférer dans un autre hôpital, lequel était équipé de machines à dialyse rénale.  Le chirurgien, là-bas, avait finalement dû pratiquer une colectomie totale, ce qui sauva le patient.

-You know, doctor Delhorno, that patient would have died in India!
-How come?
-Nobody knows over there.  They do not know the disease, do not know the treatment, do not even know that you don't have to die.
-I thought that medicine is not that bad in India.
-If you have money, no problem.  You will get the best.  But nobody has money.  My brother-in-law died from acute diverticulits two years ago.  Felt sick one evening.  Was brought to hospital the next morning and died the day after.  Everybody thought it was ok.  Although he would not have died in Canada.
-...
-You know, doctor Delhorno, life is cheap in India.

...life is cheap in India...

Delhorno

vendredi 15 février 2013

MUTT, L'UNIVERSITE, LA GRATUITE ET L'ACCESSIBILITE


Salut Gibus.  

On parle beaucoup d'éducation au Québec ces jours-ci.  Certains pensent que l'Etat devrait payer les études de tous et chacun jusqu'au doctorat.  En d'autres termes, que l'instruction devrait être gratuite pour les étudiants et que la facture devrait être assumée par les payeurs de taxe.  Les «Carrés Rouges» ont arpenté les rues de Montréal pendant six mois l'an dernier, cherchant à arracher la gratuité intégrale des études.  Au nom de quel principe l'éducation devrait-elle être gratuite?  On dit que c'est au nom de l'accessibilité pour tous, sans égard au pactole des familles et des individus.  En passant, la Pactole était, du temps de mes idoles Socrate, Platon et Aristote, une petite rivière de Lydie réputée charrier des pépites d'or.  On dit aussi que gratuité et accessibilité ne vont pas nécessairement de pair.  Dans les pays «gratuits», on ultrasélectionnerait les étudiants, d'une telle façon que la notion même d'accessibilité en serait grandement ultraédulcorée.

Je te recopie ce court texte qui vient de paraître, plume de Denis Girard, dans le Journal de Montréal d'aujourd'hui, quinze février deux mille treize.  Son dernier paragraphe souligne l'importance des parents dans le cheminement des enfants vers l'université.  Moi, ça m'a reporté fin des années cinquante, début des années soixante, chez nous, à Port-Alfred.  Mutt, mon père, et Lulu, ma mère.  «Ne faites pas comme moi, disait Mutt, devenez des professionnels, allez à l'université.»  Il avait offert à son jeune beau-frère d'endosser un emprunt bancaire qui lui aurait permis d'aller à l'université.  Mutt avait à peine une sixième année, peut-être une septième...  Comment avait-il appris ça, l'université?  Les ingénieurs, peut-être, qu'il avait côtoyés à la Consol.  Je sais une chose: cette simple phrase, «Allez donc à l'université», s'est incrustée dans mon cerveau et celui de mes frères et soeurs et ne l'a jamais quitté, l'y résonnant encore.  Ma mère aussi, qui avait été une première de classe, et qui insistait tant sur l'importance du travail bien fait.  Quand le temps du cours classique arriva, celui du Petit Séminaire,  il ne fut jamais question de ne pas y aller faute d'argent.  Il était tacitement entendu que le fric, nous l'aurions.  Même chose pour l'université.  Etions- nous riches?  Jamais de la vie!    C'était différent dans d'autres familles, il faut le dire.  Quatre ans de Petit Séminaire, cinq d'université, nous avons payé tout ce que ça coûtait, tout ce qu'on nous demandait.  L'argent qu'il fallait, nous le gagnions, nous l'avions gagné.  Sur le campus, nous vivions de peu.  Et ça a fonctionné!  Pour moi comme pour mes frères.  Mutt, Lulu, chapeau!        

L’éducation supérieure « made in USA »

Le Québec aura besoin d’un ministre de l’éducation supérieure plus inspirant
Aux États-Unis, que l’on soit fermier au Nebraska, serveuse au Mississippi, homme d’affaires à New York, démocrate ou républicain, on est presque tous d’accord sur un sujet : l’importance du diplôme universitaire. La famille américaine rêve d’inscrire ses enfants dans les meilleures universités et elle ne s’épargnera aucun sacrifice pour y arriver.
Un sondage récent effectué pour l’université Northeastern de Boston révèle que, pour 86% des Américains, un diplôme universitaire permet de gravir l’échelle sociale et professionnelle. Quatre-vingt-huit pour cent des répondants estiment que l’université permet aux étudiants de développer la pensée critique nécessaire pour analyser les problèmes; 94% trouvent qu’un diplôme universitaire est un outil important pour réaliser le rêve américain.
ALMA MATER
Ce qui frappe dans ce sondage, au-delà du consensus, c’est que ces opinions sont partagées par toutes les couches sociales dans toutes les régions peu importe le niveau d’éducation des répondants. Mais ces chiffres peuvent seulement étonner un observateur étranger. Vivre aux États-Unis permet de constater que l’université est entièrement imbriquée dans la fabrique sociale américaine.
Dès son arrivée à l’université, l’Américain développe un sentiment d’appartenance. Lorsque les joueurs de la NFL déclinent leur identité à la télévision, ils ne disent pas où ils sont nés, mais où ils ont étudié. Ron Brace, Boston College; Rob Ninkovich, Purdue. Et, contrairement au stéréotype, ils n’étudient pas l’art ou le cinéma, c’est l’administration des affaires qui a la cote. Les footballeurs n’ont pas tous le profil académique d’un Ryan Fitzgerald, des Bills de Buffalo, diplômé de Harvard, mais un fait reste, l’Américain s’identifie à son université.
Tout baigne donc dans l’huile dans le monde universitaire américain? Pas du tout. Les droits de scolarité sont faramineux. L’obtention d’un diplôme coûteux débouche de moins en moins sur un emploi à la hauteur des qualifications obtenues. Plus de la moitié des plus récents diplômés sont surqualifiés ou ne trouvent pas de travail. La dette des diplômés atteint mille milliards de dollars. Autre consensus : le gouvernement américain doit alléger le fardeau étudiant en injectant plus d’argent dans ses universités. Selon le sondage de l’université Northeastern, 80% des Américains sont d’accord là-dessus et ça inclut les républicains.
LE QUÉBEC, À L’OPPOSÉ
Pendant que l’on assiste à la lutte farouche des universités américaines pour se hisser dans les classements mondiaux, le spectacle offert au Québec est à l’autre extrémité. Le ministre de l’Éducation supérieure, Pierre Duchesne, qui devrait être le plus farouche défenseur d’un financement accru des universités, tient un discours d’une grande tiédeur. Il semble surtout s’inquiéter d’un retour en force des carrés rouges. Il a même réussi à se mettre à dos ceux dont il devrait pourtant être proche, les recteurs d’université.

Selon le sociologue étoile de Harvard, Robert Putnam, l’influence des parents est le principal facteur qui guide l’enfant vers l’université. Si l’on utilise cette analyse pour expliquer le taux de décrochage alarmant au secondaire au Québec, on conclut que la province doit insuffler plus de fierté de l’éducation et de l’université dans ses familles. Mais pour le faire, le Québec aura besoin d’un ministre de l’éducation supérieure plus inspirant, qui défend mieux ses universités.