mardi 18 décembre 2012

HISTOIRE DE BOTTES DE BEU

Célébrons ce soir le retour chez les vivants de Grise-Mine, mi computadora querida. Une transplantation de carte-maîtresse l'a ressuscitée.  Une affaire de moins de deux heures, sous l'égide des techniciens Apple, rue Ste-Catherine.  «La compétence coûte cher, mais l'incompétence coûte encore plus cher.»  J'ai passé proche d'y goûter...  Selon le technicien d'une petite boîte de la rue Jean-Talon, l'affaire ne pouvait être réglée avant quelques semaines! 

Rue Ste-Catherine...  L'artère célèbre fourmillait de Roseaux-Pensants, des jeunes en majorité.  Peu de cheveux gris.  Mon regard absent a été distrait par la mode nouvelle.  Les Montréalaises futées, et quelques Montréalais aussi! portent des «bottes de beu», celles des bûcherons, draveurs et cultivateurs des années cinquante.  Mutt en mettait pour aller chasser.  Vous savez, ces bottes à deux étages, celui du haut en cuir, celui du bas en caoutchouc.  Longuement lacées sur le devant.  C'est la grande mode!  Sorel va faire un coup d'argent avec ça.  Allez voir les bottes sur le site internet.  Je vous souligne que DD a été un précurseur dans ce cas.  Il y a des années qu'il se pavane l'hiver avec des bottes Sorel.

Je raconte tout ça pour rappeler que la mode est un pendule qui balance entre les générations.  Les Montréalaises que j'ai vues sont trop jeunes pour savoir que bûcherons et draveurs des années quarante et cinquante portaient ces bottes à l'ouvrage.  Moi, à voir leurs bottes, je me suis aussitôt souvenu d'un écolier que j'ai eu dans ma classe au début des années cinquante.  Un dénommé Bacon, dont j'ai oublié le prénom.  Dès les premières neiges, il arrivait à l'école vêtu de culottes «Peg Top» et de bottes de beu.  Le seul de son espèce.  Un déviant qui ne put jamais s'habituer à l'école et que celle-ci ne put jamais apprivoiser.  Il fut perdu de vue.  Des années plus tard, j'apprendrais que plusieurs Bacons ont du Montagnais dans le casque, ce qui sans doute pourrait expliquer l'allergie à l'école des Blancs.
Cet après-midi donc, regardant marcher ces bottes-lumberjack dans les grand magasins de la Ste-Cath, je ne pouvais réprimer un certain sourire, à la pensée qu'aucune fille des années cinquante et soixante ne se serait hasardée à déambuler dans un tel appareillage...

Bonne semaine à chacun, donc.

PS:  Il s'appelait André Bacon

Delhorno    

mercredi 21 novembre 2012

LA TAQUE-TAQUE-TIQUE DU JUGE FORCADE

Juin deux mille onze.  Nous venions d'achever la première ronde de golf de la saison.  Quatre heures, presque cinq, de pur bonheur, un autre brin de vie qui nous avait paru trop court.  «The Old Course»,  à Port-Alfred.  Oui, je le sais!  Le terrain de ma jeunesse ne fait sans doute pas le poids d'un tel qualificatif.  Mais, pour moi, quoiqu'on pense, quoiqu'on dise,  il sera toujours celui-là: «The Old Course».

Attablés autour du sempiternel pichet, nous avions commencé le post-mortem de la ronde.  Les commentaires fusaient de part  et d'autre au rythme des bulles qui cherchaient à s'évader de notre bol de bière.  Au détour d'un silence,  Maurice Perron s'adressa au juge Forcade:
-Coudonc, Rafaël, quand vas-tu emménager dans ton nouveau condo?

Je n'étais pas au courant de ce développement...  Opéré aux deux genoux, je n'avais pu jouer au golf l'été d'avant.  C'était mon premier match depuis plus d'un an en compagnie du juge et des deux autres.   

-Tu as vendu ta maison de Notre-Dame-de-Grâces, Rafaël?
-Pas encore.

Les deux autres affichaient un petit sourire hypocrite...  Pour moi, j'ignorais tout de ce qui se tramait ou s'était tramé.

-Pourtant, c'est ce que Moïsette voulait, non?

Le juge se râcla la gorge en repositionnant son postérieur.  Il regarda à gauche, puis à droite.  Il nous sembla qu'il allait délivrer une déclaration importante, de celles dont seul un juge peut accoucher... 

-C'est exact, mes amis, c'est ce que Moïsette désirait.  Elle avait même «spotté» le condo dans lequel elle voyait le dernier tiers de notre vie: au manoir Champlain, à Chicoutimi, dernier étage, en compagnie de plusieurs de nos amis.  
-Il me semblait que tu voulais rester dans ta maison, Rafaël?
-C'est vrai!

Je fais ici une pause dans mon récit, Gibus, car il te faut savoir que Moïsette Tremblay, la femme du juge Forcade, n'est pas une girouette.  Elle a mené le juge par le bout du nez depuis le jour de leurs noces.  Voilà pourquoi mes deux comparses ont abordé le sujet, surpris que le déménagement n'ait pas encore eu lieu et voulant aussi permettre à leur partenaire de golf de ventiler un peu ce qui leur avait paru un imbroglio.

-Que s'est-il passé?

-Quand Moïsette m'a fait part de sa décision, il y a un de ça plus d'un an maintenant, je suis aussitôt exclamé: «Quelle idée formidable, ma chérie!  Quelle idée brillante!  Nous allons examiner l'affaire, circonscrire le pour et le contre, rencontrer le gérant de la banque, chercher un courtier en immeuble qui te plaise, bref, nous allons prendre la chose en délibéré pour, en bout de ligne, opter ensemble pour la meilleure décision, celle qui te plaise à cent pour cent».  Ma femme m'a regardé d'un air attendri, heureuse, quoiqu'un peu surprise que sa proposition passât comme une lettre à la poste.  Ce qui fait que le délibéré perdure, que le condo n'est pas acheté et que je demeure toujours dans ma maison.

Delhorno



samedi 17 novembre 2012

COMPARTIR

Le 17 novembre 2012.  République Dominicaine.  Playa del Encuentro.  On y vient de partout s'adonner au «kitesurfing», c'est-à-dire «surf en cerf-volant».  Communiquer?  On peut toujours se débrouiller avec un peu de français et beaucoup d'anglais.  Mais ça va toujours mieux quand on parle un peu d'espagnol.

«Cada una palabra tiene su historia...»  

Hier soir et encore ce matin, j'ai dû employer le verbe COMPARTIR!  Il m'est venu comme ça, sans que je n'aie à déployer beaucoup d'efforts, contrairement à d'autres situations où les équivalents espagnols de mes concepts tardent à sourdre de mon cerveau ou bien ne me viennent jamais.  Mais dans ce cas-ci,  je sais très bien pourquoi COMPARTIR m'est tombé du ciel si allègrement.

Alicante, Costa Blanca, Espana.  Il y a de ça quelques années.  J'avais suivi une session introductoire de langue espagnole que donnait l'Université du Québec à Chicoutimi sous l'égide du professeur Gleider Hernandez.  Le cours culminait avec une immersion de quatre semaines à Alicante, sous l'égide de l'université de cette ville.  J'étais du voyage!

Alicante fut à l'origine une colonie grecque, fondée quelques centaines d'années avant Jésus-Christ.  Cela, je ne l'apprendrais que beaucoup plus tard.

Donc, un vol KLM Montréal-Amsterdam-Alicante.  Atterrissage en début de soirée à Alicante.  Tout un charivari...  Il fait noir sur le stationnement de l'aéroport.  Nous ignorons totalement quelle famille nous accueillera.  On m'avait dit que j'irais chez une dame célibataire dans la trentaine.  Je me rendis compte qu'à mon insu,  j'avais été impliqué dans un échange!  M'attendaient un minivan et trois jeunes adultes qui parlaient un drôle d'espagnol.  J'apprendrai au cours du mois suivant que l'accent d'Alicante diffère de celui de Madrid.  Le minivan m'amène donc chez ma logeuse, une chanteuse d'opéra uruguayenne dont le mari -il avait été son gérant par surcroît- est décédé quelques années auparavant.  La diva est sans le sou.  Donne quelques leçons de chant à une jeune Française qui demeure tout près de la frontière espagnole et se tape le voyage aller-retour une fois par semaine.  Moi, j'avais pensé jouir d'une belle chambre avec un lit douillet et douche attenante...  La Callas m'installa dans sa salle de musique dans un lit de camp qui me contenait à peine!  Elle me fit à souper le soir-même et je conclus sur-le-champ qu'elle ne savait pas cuisiner.  Je lui dis le surlendemain de ne plus me préparer de repas, que je mangerais désormais en ville.  La douche commune était épouvantable.  Sale comme une porcherie.  Il me faudrait passer trois semaines dans cet appartement situé en dehors d'Alicante sur l'autoroute de Barcelone.  Autre chose dont je m'aperçus bien vite: mon apprentissage de l'espagnol ne faisait pas partie des priorités de la diva.  C'était mon fric qui l'intéressait, elle craignait que je la récuse.  Dieu qu'elle trépigna de joie quand je lui annonçai quelques jours plus tard que je ferais tout mon stage chez elle!

Le lendemain de mon arrivée, j'avais rendez-vous à l'université, laquelle se trouve au nord de la ville à une dizaine de kilomètres du logement de la Callas.  Celle-ci s'offrit donc à me conduire là-bas, à m'instruire des subtilités du système de transport en commun alicantinois.  Sortis de l'ascenseur, nous abordons une jeune dame qui salue chaleureusement la cantatrice; ils se connaissent, il n'y a pas de doute là-dessus.  Je ne comprends à peu près rien de ce qu'ils disent...  Toutefois, la jeune dame parle plutôt lentement, ce qui me va tout à fait. 
Elle emploie subitement le mot COMPARTIR à l'intérieur d'une maxime ou d'un proverbe et j'allume sur-le-champ.  COMPARTIR, c'est partager!  Voilà pourquoi je n'ai jamais oublié la palabra COMPARTIR!   

PS: Ma logeuse originale, la trentenaire célibataire, était une lesbienne.  Quand elle se vit «coincée» avec un quinquagénaire avancé, marié et père de trois enfants, elle réclama une «transaction» aux autorités.  On lui adjugea une jeune étudiante de l'UQAC dont elle s'éprit!  Elle alla jusqu'à lui emprunter ses soutien-gorge et quelques-uns de ses vêtements.  Après quelques jours, la jeune étudiante dut changer de logis, c'était devenu intenable!   

Delhorno  

samedi 10 novembre 2012

CHUTER DE SON PIEDESTAL...


CHUTER DE SON PIEDESTAL


L'homme, Gibus, avait été en son temps l'idole d'une génération de chirurgiens.  Avait eu, à cette époque où le Québec de nos ancêtres semblait endormi,  l'audace et la chance d'aller à St Louis, Missouri, étudier sous le patronage d'une sommité, Evarts Graham, le chirurgien qui avait pratiqué la première pneumonectomie pour cancer aux Etats-Unis.  Etait revenu chez nous, le premier à faire la même intervention en sol québécois.  Ses successeurs, ceux de la génération d'après, ceux qui avaient été ses étudiants, nos professeurs, nous le décrivaient comme on s'incline devant le frère André à l'Oratoire St-Joseph.

1976.  Arrivé depuis peu de Minneapolis et ne connaissant à peu près rien du milieu chirurgical montréalais.  J'absorbai béatement tout ce que la déesse aux mille bouches racontait à propos du grand homme.  Je m'attendais à un esprit supérieur, de ceux qu'on n'oublie jamais une fois côtoyés, une espèce d'Isaac Newton, qui me permettrait peut-être de grimper sur ses épaules de sorte que nous puissions voir un peu plus loin; qui m'indiquerait les écueils, les bons sentiers, les guides fiables et infaillibles.

Eh bien!  Ça n'est jamais arrivé!

Il avait vieilli.  Mal vieilli.  Rancoeur, fiel, impatience, condescendance, fixation sur une époque révolue.  J'étais absent lors du premier incident.  Une vagotomie qui avait mal tourné.  Un confrère résident, celui qui m'a raconté l'incident, avait commencé l'intervention sous sa guidance et ne l'avait jamais terminée.  Avait dû quitter la salle d'opération humilié, meurtri, ulcéré, parlant même d'abandonner la chirurgie.  L'illustre septuagénaire l'avait engueulé comme du poisson pourri.  Au point que nous peinions à croire et endosser la relation de notre collègue.  

Quelques semaines plus tard, notre homme requit que j'aille l'assister pour une résection abdominopérinéale du rectum.  Un cauchemar!  La sommité opérait mal, dirigeait mal, humiliait son entourage.  Dieu que je fus déçu.  Moi qui avais escompté une rencontre avec un prix Nobel...  Le septième jour postopératoire,  un vendredi soir, notre opérée se mit à mal aller.  Obstruction intestinale postopératoire.  J'étais de garde.  Il me fallut appeler le vieil homme chez lui, lui rapporter les faits, lui confier mon inquiétude, proposer une réintervention.  Ce fut un cataclysme!  Le téléphone crépitait sous les injures et les imprécations.  Je n'en pouvais croire mes oreilles!

Je ne lui adressai plus jamais la parole, d'autant plus qu'il ne venait presque plus sur les étages.  Je me suis toujours demandé depuis lors comment engueulades, algarades et imprécations peuvent s'imbriquer dans un processus d'apprentissage.

Mon point, Gibus?  Ceci: je me jurai, ce vendredi-soir là, que je ne disputerais pas ce «round» de trop, celui que Sugar Ray Robinson, Archie Moore et bien d'autres n'auraient pas dû boxer.  Je fis jurer à ma femme qu'elle me sortirait des hôpitaux au moindre indice de défaillance oculomanuelle, comportementale ou intellectuelle.  Je me jurai que je ne verrais pas ma main tremblante hésiter autour d'un uretère ou d'un canal cystique.  Que je ne finirais ma carrière en vociférant aux masques de mes assistants et de mes infirmières.  Que je quitterais avec «désinvolture», puisque c'est le mot qui convient.

Delhorno    

vendredi 2 novembre 2012

J'AI TROIS NOUVEAUX AMIS...

Les clubs 4-H de la région Saguenay-Lac Saint-Jean tenaient à cette époque un congrès régional annuel dont la ville-hôte variait annuellement.  En 1957,  le congrès eut lieu à St-Jean-Eudes, au Saguenay.  St-Jean-Eudes?  Un village, un bourg, peut-être même un bled situé sur la rive sud de la rivière Saguenay, entre Chicoutimi et Jonquière, au pied de l'usine d'aluminium d'Arvida.  Encore aujourd'hui, il faut monter la grand'côte dite «de St-Jean-Eudes» pour accéder à l'église qu'on trouve à gauche quand on arrive au feu de circulation.  Le bâtiment n'a que très peu changé. Ce congrès-là, donc, prenait place dans le sous-sol de l'église.  On y était venu de partout en Sagamie, d'aussi loin que Dolbeau, St-Prime et St-Félicien. J'avais douze ans.  C'était mon premier congrès 4-H. Mon club, celui de Port-Alfred, avait nolisé un autobus pour nous amener là.

L'après-midi,  les moniteurs provinciaux animaient un concours de «talents».  «Les jeunes talents 4-H».  Mon ami de toujours, Jacques,  représentait notre club.  Pianiste.  Il m'avait demandé de monter avec lui sur l'estrade pour tourner les pages de son cahier de musique.  Je m'y revois encore, cinquante-six ans plus tard.  Rondo Alla Turca,  titre de la pièce qu'il exécutait.  J'admirai Jacques cet après-midi-là...  Pas facile, je le sais encore plus aujourd'hui, d'interpréter le Rondo Alla Turca devant quelques centaines de jeunes bavards.  Wolfgang Amadeus Mozart...  Je n'ai plus jamais oublié ce nom depuis ce samedi de mai 1957.

Quelques années plus tard. 1961.  Petit Séminaire de Chicoutimi.  L'orchestre de flûtes à bec.  J'en fais partie. L'abbé Guy m'avait recommandé l'achat d'une «méthode» d'apprentissage.  J'avais obéi.  Touffu, ce manuel...  Trois morceaux, parmi quelques dizaines, adaptés pour la flûte à bec: Rondo Alla Turca, de Mozart, O  Jésus ma Joie et Concerto Brandebourgeois, de Jean Sébastien Bach.  J'ignorais à l'époque que monsieur Bach avait composé plusieurs concertos Brandebourgeois.  En fait, je ne l'apprendrai que cinquante ans plus tard.   Je fus capable en quelques semaines de jouer les deux premiers, quoiqu'imparfaitement.  Vaincu cependant par le Brandebourgeois, quoique je n'en aie jamais oublié les premières notes.  Pour une raison qui m'est totalement inconnue, le titre de ces morceaux est resté imprimé quelque part dans mes hémisphères,  malgré que j'abandonnai clarinette, saxophone et flûtes à bec au cours des quarante années suivantes.  Plusieurs heures, je dois le concéder, dévolues à Barbara, Fugain, Barzotti, Georges Brassens, Frédéric Chopin et Johann Strauss.  La Méthode de Flûte à Bec de l'abbé Potvin?  Le grand Perron, un confrère de classe, me l'emprunta un midi.  Devait me la remettre à la fin de l'année scolaire.  Je ne la revis jamais, ce que je n'ai pas encore digéré...  Quand j'y repense, instantanément se projettent devant mon regard les portées du Brandebourgeois et du Rondo...

Juin 2009.  Vienne.  Un petit hôtel de charme derrière le Stephansdom.  Un écriteau de laiton nous indique que Mozart y a habité.  Le lendemain soir, concert.  On y joue du Mozart, évidemment.  Dieu que ça fait plaisir à l'oreille.  Ma fille m'accompagne.  Belle comme une déesse.  Je me dis que j'aurais peut-être dû écouter Mozart davantage...  Quelques jours plus tard.  Salzbourg.  La maison où il vécut.  Un autre concert, au château qui surplombe la ville.  Un orchestre de chambre.  Encore Mozart.  Nous en sortons envoûtés.  Je me dis que...

Je résolus dans l'avion du retour -Munich-Montréal- de ne pas mourir sans m'être donné la peine d'écouter la musique de ces trois grands: Mozart, Beethoven, Bach.  Voilà, Gibus, c'est fait,  J'ai depuis un an trois nouveaux amis que je fréquente assidûment.  Des vrais ceux-là.  Quelque chose dans mon cerveau a changé.  Wolfgang, Ludwig et Jean Sébastien le comblent et l'apaisent. Je me demande encore comment il se fait que j'aie tant tardé à découvrir ce trio.

Delhorno

dimanche 14 octobre 2012

CONTONDANT

«CONTONDANT»  Chaque mot a son histoire...

Les ambulanciers l'emmenèrent à l'urgence aux petites heures du matin.  On m'appela tout de suite.  Milieu de la drogue.  Une rixe quelconque.  La vérité ne remontera sans doute jamais de son puits...  Il était comateux.  Une plaie sur la tête qui semblait anodine.  La tomographie du cerveau nous indiqua cependant que le pic ou le couteau avait traversé l'os pariétal et pénétré dans la matière cérébrale.  Le neurochirurgien s'amena et recommanda que nous l'observassions davantage.

Nous fûmes intrigués par une plaie du bras droit d'où le sang suintait constamment.  Je défis le pansement et entrouvis tout doucement les lèvres de la plaie.  Le sang se mit à gicler comme si une artère importante, l'humérale dans ce cas, avait été lésée.  J'amenai le patient tout de suite au bloc opératoire.

C'était bien ça.  L'humérale avait été partiellement lacérée par le pointe du couteau de l'assaillant.  Je pus réparer le tout.  L'homme, malheureusement, décéda quelques jours plus tard des suites de sa lésion cérébrale.

J'avais presque oublié l'affaire quand ma secrétaire me pria, plusieurs mois plus tard, de prendre un appel émanant du bureau du Procureur de la Couronne.  Le procès de l'accusé du meurtre aurait lieu dans quelques semaines et ma présence était requise en tant que chirurgien traitant du défunt lors de son hospitalisation.

Dix heures le matin.  Habit foncé, chemise blanche, cravate.  Ma fille et mon garçon étaient venus assister à ma déposition.

Je déclarai sous serment et avec assurance ce que je savais.  La blessure de l'artère humérale, le traumatisme crânio-cérébral causé par un objet «contondant», le décès subséquent.  A peine avais-je terminé que l'avocat en défense se leva et s'avança vers moi:
-Docteur Delhorno, vous avez parlé d'une plaie crânio-cérébrale par objet «contondant»...  Ne serait-ce pas plutôt un objet tranchant ou pointu qui aurait causé le traumatisme?  Plutôt qu'un bâton de baseball?

L'homme de loi accompagnait sa question d'un sourire narquois, voire moqueur...

L'énormité de la bourde me sauta aux yeux!  Ignorance primaire, pensai-je.  Crasse?  Peut-être..  Je dus rougir sans doute.  Quand mon regard croisa celui de mes héritiers dans l'assistance, il y déchiffra incrédulité, gêne et un soupçon de pitié.  Je ne pus qu'admettre carrément mon erreur:

-Je vous prie de me pardonner, monsieur l'avocat.  Il saute aux yeux que j'ai utilisé un vocable dont j'ignore l'exacte signification.  L'arme qui a causé le décès était un pic à glace ou un couteau dont la lame mesurait moins de trois quarts de pouce.

L'avocat se retira.
-Pas d'autre question, monsieur le Juge.

CONTONDANT, CONTONDANTE, adjectif, participe présent de l'ancien français  CONTONDRE, du latin CONTUNDERE, i.e. blesser.  Se dit d'un objet qui blesse par choc, sans couper ni déchirer les chairs.  Larousse

C'était il y a quinze ans.  Dois-je ajouter, Gibus, que ça fait quinze ans que je connais exactement la signification du vocable CONTONDANT.

Delhorno

  

vendredi 12 octobre 2012

MOI, LES ANGLOS, L'ANGLAIS, MESDAMES MAROIS ET MALAVOY

Je m'appelle Claudio Delhorno.  Je suis né à Port-Alfred au Saguenay le 24 juin 1944.  Mon père, Roland, travaillait à l'usine de papier-journal de la Consolidated Paper, laquelle avait pignon sur rue au fin-fond de la Baie des Ha! Ha!, entre Bagotville et Grande-Baie.  Ma mère s'appelait Lucile Chantal: elle fut maîtresse de maison toute sa vie.  Je respectais et adorais mes parents.  Nous fûmes et sommes toujours ce qu'il convient d'appeler des «pure-laine».  Robert Dufour et Pierre Chantal étaient originaires de Lisieux en Normandie et de Bergerac en Dordogne, quoique ceci ne veuille plus dire grand-chose quand on tient compte du mélange des gènes de notre arbre généalogique.  Mais ceci est une autre question.   

J'ai commencé l'école au collège St-Edouard en 1950.  Entre autres choses,  j'y ai appris que les Anglais étaient des salauds qui avaient brûlé les fermes de l'Ile-aux-Couldres et de Baie St-Paul en 1759,  avaient ensuite bombardé Québec, tué le marquis de Montcalm, puis, l'année d'après,  acculé Montréal à la reddition.  Qu'ils avaient essayé de nous assimiler, de faire disparaître le français au cours des cent années suivantes.  Qu'il étaient des Protestants sans âme et sans coeur auxquels il ne fallait pas adresser la parole.  Surtout qu'ils ne pensaient qu'à l'argent...  Parmi les nombreuses notions qu'on ne m'a jamais apprises, celle-ci:  vingt ans plus tard, je devrais étudier la médecine en  anglais et choisir de m'entraîner en chirurgie dans une université du Midwest américain.

Les patrons de la Consol à Port-Alfred étaient anglophones pour la plupart: Hogan, Sweeney, Mc Culloch et bien d'autres.  Les Canadiens-Français qui savaient l'anglais avaient obtenu les meilleurs emplois.  Les autres, comme mon père et mes oncles, travaillaient de leurs mains.  Tout ça changerait au début de la Révolution Tranquille.  Les ingénieurs canadien-français feraient leur apparition et prendraient les rênes de l'usine.

Il n'y avait pas grand-place pour l'apprentissage de l'anglais au collège St-Edouard...  À quinze ans, je savais beaucoup plus de latin et de vieux grec que d'anglais.  Le frère Victorien des Frères des Écoles Chrétiennes s'amena en classe de Méthode vers 1959.  Il nous distribua une feuille 8 1/2 x 11 sur laquelle étaient imprimés les verbes anglais irréguliers les plus usités.  Nous dûmes les apprendre par coeur: to give-gave-given, to buy-bought-bought, to take-took-taken.  Le bon frère doit être décédé maintenant.  Aura-t-il jamais su qu'il me rendit un service incommensurable?

Vivant dans un ghetto francophone, sans contact avec les anglos de la haute, nous n'eûmes jamais conscience que viendrait un jour...

1960.  Petit Séminaire de Chicoutimi.  L'enseignement de l'anglais ne semble pas une priorité, et encore moins une option.  Je cherche encore ce que cet acadien de professeur du Nouveau-Brunswick a pu m'apprendre de la langue de nos voisins.  On insistait sur le français, évidemment,  la littérature française, le latin,  la philo en latin, l'Anabase de Xénophon en grec ancien, mais pas sur l'anglais et encore moins sur l'espagnol.

Mon réveil fut inattendu, brutal et inoubliable.  1966.  Première année de médecine à l'Université Laval.  Les cours s'y donnent en français, oui, mais les manuels sont tous  anglais, importés des États-Unis.  Un manuel de biochimie traduit en franglais d'un auteur américain.  De la mère-patrie?  Rien. Oh!  Si!  Les trois briques Rouvière en anatomie, tellement dépassées que nous nous déportons sur les dessins en couleurs de l'américain Frank Netter.    Nous sommes à l'université de monseigneur de Laval, à Québec, dans le berceau de la présence française en Amérique, ne l'oublions pas.   La France est étonnamment absente du curriculum et de la bibliothèque.  Une seule exception:  un professeur parisien d'embryologie -nous pensions rêver-  qui dessinait au tableau merveilleusement les différents stades de développement du foetus.   Je m'acharnai des fins de semaine entières à digérer les «textboooks» anglophones, secouru quand il le fallait par la feuille de verbes du frère Victorien et mon vieux dictionnaire français-anglais du temps du Petit Séminaire.  Un labeur fructueux, sans doute, car à la fin de l'année je pouvais lire l'anglais médical sans problème.  Le grand Thibodeau, qui venait d'Ottawa, n'eut jamais à se taper ce parcours du combattant.  Il était arrivé bilingue à Québec...

1971.  University of Minnesota Hospitals.  On m'y a accepté comme résident en chirurgie.  J'aurai l'air d'un con.  Je pensais parler l'anglais correctement parce que je pouvais lire le Sports Illustrated.  Eh oui!  J'aurai l'air d'un con pendant les quatre ou cinq premiers mois, le temps qu'il me fallut pour assimiler l'essentiel d'une conversation.  Après quinze mois de misères et de désillusions, je revins au Québec terminer en français mon entraînement.  Je me jurai, nous nous jurâmes, ma femme et moi, que nos enfants sauraient parler anglais envers et contre tous,  dès l'aube de leur vie adulte.

Trois enfants.  Je savais ne pas pouvoir compter sur le ministère québécois de l'Éducation pour apprendre l'anglais à mes enfants.  Je les expatriai donc les étés, en Ontario, en Angleterre, en Nouvelle-Écosse, au Manitoba, en Floride, à des fins d'immersion en terrain «ennemi».  À vingt ans, ils pouvaient sortir du Québec, parler, lire et comprendre l'idiome de nos voisins.  Du moins sans avoir l'air du con que j'avais été au même âge.

Plus tard, bien des années plus tard, au hasard des lectures et des recherches, j'apprendrai que la France aurait pu conserver le Canada lors du traité de Paris en 1763. Qu'elle avait préféré garder la Martinique, la Guadeloupe, la Marie-Galante et la Sainte-Lucie pour des motifs économiques (sucre, épices, etc).  Que le roi de France et ses conseillers n'attachaient aucune importance aux possessions françaises d'Amérique.  Que Québécois, Français et Indiens n'avaient pas été sans reproches durant la Guerre de la Conquête.  Que la France d'aujourd'hui, que certains vénèrent comme une déesse, investit massivement au Brésil, et ne se préoccupe guère de ses arrière-neveux québécois.  Que la culture anglo-saxonne est probablement de valeur comparable à la nôtre.  Que les Anglos naissent, se marient, enfantent et meurent comme nous.  Que...  que... la vérité n'est pas toute celle qu'on m'a enseignée au collège St-Édouard et au Petit Séminaire.

Octobre 2012.  Mesdames Marois et Malavoy viennent d'être élus au Gouvernement de Québec.  A peine leur serment prononcé, elles chantonnent  des bémols pour ce qui touche l'enseignement de l'anglais...  Il est vrai qu'on peut vivre au Québec en français seulement.  Et ceci est plus facile en province qu'à Montréal.  Mais il est impossible de vivre vraiment -ce qui s'appelle VIVRE- en Amérique, hors Québec, si l'on est francophone uniquement.   Apprendre le français, oui! Incontestablement!  Mais apprendre l'anglais?  Incontournablement!  Et le plus tôt, mesdames Marois et Malavoy, sera le mieux.

Delhorno       

mercredi 10 octobre 2012

BRILLANT, RETORS ET CAUTELEUX



Quelque part en 1976.  Achevant mon entraînement chirurgical dans l'un des grands hôpitaux de ..., j'avais été assigné responsable d'une trentaine de malades dits «de salle».  À l'époque et probablement encore aujourd'hui, sont dits «de salle» les malades qui n'ont pas requis de chambre privée ou semi-privée, décision qui relève essentiellement de considérations financières personnelles.  L'équipe soignante que je dirigeais était constituée de deux résidents juniors, d'un interne et de quelques étudiants en médecine.  Nous étions supervisés par l'un des patrons affectés hebdomadairement à l'enseignement.  Cette semaine-là, le patron responsable de l'unité était une sommité dans son domaine.  Il avait conquis notre respect et notre admiration.  Il m'avait inspiré un travail de recherche dont nous étions fiers sans bon sens et que nous avions présenté lors d'une assemblée de pairs à l'Université Laval.  Faut-il ajouter que je me sentais en pleine confiance sous son égide? 

Parmi nos patients, il y avait cet octogénaire hospitalisé urgemment en raison d'un ulcus duodénal hémorragique.  Le Tagamet ne ferait son apparition sur le marché que quelques années plus tard de sorte qu'après réflexion et consultation, nous conseillâmes une intervention chirurgicale au vieil homme.    Celle-ci ne pourrait être que la moins mutilante possible: une vagotomie avec pyloroplastie. 

L'intervention eut lieu quelques jours plus tard.  J'ouvris l'abdomen sur la ligne médiane, entre le sternum et le nombril  Le patron m'assistait.  Nous avions convenu de faire la vagotomie (couper les nerfs vagues) en tout premier lieu.  Dès le ventre ouvert,  mes mains se dirigèrent vers l'hiatus oesophagien, cet endroit du haut abdomen où l'oesophage émerge du thorax pour se jeter dans l'estomac.  Une surprise m'y attendait: une hernie hiatale glissante avec une réaction inflammatoire importante.  L'anarchie tissulaire était telle que je ne pouvais distinguer les nerfs vagues.  Craintif, car cette conjoncture était une première pour moi, je demandai au patron en question de prendre ma place et je l'assistai de mon mieux.  Le cas était difficile pour lui aussi...  A un moment donné, il commit l'irréparable: une lacération oesophagienne longitudinale de plus de deux centimètres.  Encore aujourd'hui, je revois le tube de Levine pointant à travers la déchirure.  Sur le coup, sans mot dire, sans même un juron, l'homme que jusque là j'avais admiré s'affaira «autour du pot».  Quelques trente secondes plus tard, il me susurra:   

-Viens, Claudio, essaie-toi à ton tour. 

Nous échangeâmes nos places.  Je plaçai ma main gauche sur la jonction gastro-oesophagienne et la déchirure apparût, indiscutable, inéluctable.  Il s'exclama, haut et fort:

-Regarde, Claudio, ce que tu viens de faire!  Tu as déchiré l'oesophage!

J'en restai interloqué, sachant trop bien que c'était lui qui l'avait déchiré.

Nous mandâmes le chirurgien thoracique.  Celui-ci recommanda une thoracotomie afin de régler le problème.  Notre patient ne s'en sortit jamais.  Il décéda quelques jours plus tard.

La semaine suivante, les circonstances de ce décès iatrogène furent dévoilées à nos pairs lors de la réunion statutaire dite «DÉCÈS ET COMPLICATIONS».  Je dus affronter les questions et commentaires sarcastiques des patrons et collègues du département.  Seul.  Notre idole ne trouva rien à dire, et surtout, il fut incapable d'avouer son erreur.  Jamais, lors des mois suivants, il ne se hasarda à reparler de cette affaire.  Pour moi, l'entraînement terminé, je retournai dans mon pays natal la mémoire alourdie d'une autre désillusion qui, en compagnie de plusieurs autres, ne me quitterait jamais.   

Plusieurs années plus tard, lisant  LA RECHERCHE DE L'ABSOLU d'Honoré de Balzac, je tomberais sur cette phrase:

«Beaucoup d'hommes ont un orgueil qui les pousse à cacher leurs combats et à ne se montrer que victorieux»

Delhorno




           







lundi 8 octobre 2012

ASCLÉPIOS ET SES ENFANTS

Chaque mot a son histoire...  Je te l'ai déjà écrit, Gibus.  Ecoute celle-ci!

La mythologie grecque ne m'a jamais passionné tant que ça.  Impression de gaspiller temps et énergies à la poursuite de fictions et élucubrations.  Il  fallut quand même assurer l'essentiel, Zeus, Poseidon, Charon, Hera, ce qui permettait de répondre aux questions d'examen du frère Pierre, de maître Clément-Jacques,  du frère Léandre et de l'abbé Angers.
C'est ainsi que le nom du dieu de la médecine s'intégra dans ma matière grise, quelque part entre 12 et 17 ans.  ASCLÉPIOS, ou ESCULAPE.  Il ne m'a plus jamais quitté!

ASCLÉPIOS donc.   Fils d'Apollon et de Coronis.  Auprès du centaure Chiron, Asklépios apprit, entre autres, l'art de guérir les plaies et les maladies.  Il devint si habile en médecine, que bientôt, son nom fut connu dans toute la Grèce et une foule de malades et de blessés venait se faire soigner.  Mais quand Asclépios arriva au point de ressusciter les morts, Zeus se fâcha et d'un trait de foudre il tua le fils d'Apollon.

Les Grecs vénéraient Asclépios, d'abord comme héros et, ensuite, à partir de la fin de l'époque classique, comme dieu.  On lui attribuait une femme, ÉPIONÈ, qui ne possédait pas d'histoire propre.  Leurs filles, HYGIE, IASO, ACÉSO et PANACÉE, devirent la personnification de concepts médicaux abstraits.  On lui donnait également deux fils, MACHAON et PODALIRIOS, qui prirent part à la guerre de Troie comme guerriers et médecins.


                                                    Asclépios et sa fille Hygie

Je vois déjà ton sourire ironique, Gibus.
-Quel est, Delhorno,  l'intérêt d'une telle énumération?  Et d'abord, où as-tu pêché cette poêlée de noms propres tout autant rébarbatifs qu'hétéroclites?

M'y voici Gibus.  Elle s'appelait Kelly.  Une blonde Athénienne.  Archéologue de formation.  Profession?  Guide touristique dans la cité de Périclès.  Car il n'y a pas assez de fric en Grèce pour faire «fouiller, creuser et déterrer» la totalité des archéologues qu'on y a formés...  Kelly était une érudite: je crois n'avoir pas perdu un mot de ce qu'elle nous expliquait dans un français impeccable.  Je lui suis redevable de m'avoir appris le prénom de la fille d'Asclépias: HYGIE,  d'où origine le mot HYGIÈNE.  Tout ça, c'était il y a plus de quinze ans maintenant, lors de mon tour de Grèce.  Kelly m'avait aussi appris l'origine du mot ÉGIDE:  c'est le nom du manteau d'Athéna, la déesse de la sagesse, la déesse tutélaire de la cité d'Athènes.  

Ce n'est cependant que ce matin, à soixante-huit ans,  que j'ai noté le mot PANACÉE dans l'énumération de la descendance d'ASCLÉPIOS.  Un fascicule intitulé «MYTHOLOGIE GRECQUE», écrit par l'archéologue grecque KATÉRINA SERVI et dont Kelly m'avait recommandé l'achat.

PANACÉE...  Fille d'Esculape, déesse qui prodigue aux hommes des remèdes extraits des plantes.  Le mot serait passé dans l'usage au Moyen-Âge.  Il s'est trouvé depuis une connotation ironique: «un objet, une idée, un concept qui semble être -ou que certains veulent faire passer pour- le remède à tous les maux

Ce n'est aussi que ce matin que me sont devenus signifiants les premiers vocables du serment d'Hippocrate:

«Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants: ...»

Voilà où j'en voulais venir, cher Gibus.

Delhorno



dimanche 30 septembre 2012

GIL EANES

Au XVe siècle, GIL EANES est le premier navigateur occidental à doubler le CABO BOJADOR, dit CAP DE LA PEUR, situé au large du Maroc occidental.  Pendant deux mille ans, les Européens y ont vu la limite physique du monde.

J'ignorais ça.
Delhorno

samedi 29 septembre 2012

TOLSTOI

«Soudain, il éprouva sur ses épaules en nage une agréable sensation de fraîcheur qu'il ne s'expliqua pas bien tout d'abord; mais, pendant la pause, il s'aperçut qu'un gros nuage noir qui courait bas sur le ciel venait de s'écraser.»

Tolstoi

MILLE SOLEILS SPLENDIDES

«De même que l'aiguille d'une boussole indique le nord, un homme qui cherche un coupable montrera toujours une femme du doigt.  Toujours.  Ne l'oublie jamais, Mariam.

MILLE SOLEILS SPLENDIDES
Khaled Hosseini
p354

ÉPITAPHE DE MOLIÈRE...

Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y git.
Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit,
Dont le bel art réjouissait la France.
Ils sont partis!  Et j'ai peu d'espérance
De les revoir.  Malgré tous nos efforts,
Pour un long temps selon toute apparence
Térence, et Plaute, et Molière sont morts.

...composée par La Fontaine


ÇA NOUS VIENT D'HÉSIODE...

«Celui-là est absolument parfait qui de lui-même réfléchit sur toutes choses.

Est sensé encore celui qui se rend aux bons conseils qu'on lui donne.

Quant à celui qui ne sait ni réfléchir par lui-même, ni, en écoutant les leçons d'autrui, les accueillir dans son coeur, celui-la en revanche est un homme bon à rien.»

HÉSIODE
Cité par Aristote dans l'ETHIQUE À NICOMAQUE

vendredi 28 septembre 2012

SUR LE DEUIL

Je vais ajouter une vérité bien rebattue; tout le monde l'a dite, mais je ne l'écarterai pas pour cela de mon propos.  Toute douleur a un terme et, quand la raison ne l'impose pas, le temps nous y conduit.  Or, pour l'homme de bon sens, dans le chagrin, la manière la plus honteuse de guérir, c'est de guérir par lassitude.  Si tu me crois, laisse la douleur, plutôt que d'être laissée par elle.  Renonce au plus vite à un chagrin qui, même si tu t'y complais, ne pourra durer longtemps.  Nos pères ont prescrit aux femmes un deuil d'une année.  C'était les inviter, non à pleurer tout ce temps, mais à ne pas pleurer plus longtemps.  Pour les hommes, la loi ne prescrit aucun délai, parce qu'aucun n'est séant à la dignité virile.  Eh bien! parmi ces faibles femmes que l'on a eu tant de peine à écarter du bûcher, à séparer du cadavre, montre m'en une dont les larmes aient duré tout un mois.  Il n'y a rien qui rebute plus vite que la vue de l'affliction.  Récente, elle trouve un consolateur, elle s'attire des sympathies; ancienne, elle prête au ridicule, non sans raison: ou elle est feinte, ou elle est folle. 

Sénèque
Lettres à Lucilius
#63

DÉPENSER...

Quand on dépense son argent au bénéfice des autres, on surveille surtout le montant, mais pas autant la façon de dépenser.

Quand on dépense l'argent des autres sur soi-même, on pense surtout à la façon de dépenser, sans trop se soucier du montant.

Et quand on dépense l'argent d'autrui au bénéfice des autres, on ne s'inquiète ni des montants ni de la façon de dépenser.  Ce dernier cas est bien celui des gouvernements.

Milton Friedman

A PROPOS DE DSK

«Comment peut-on supporter d'être un prisonnier de droit commun quand, quelques heures plus tôt, on était l'un des hommes les plus puissants du monde?»

-La roche Tarpéienne est proche du Capitole, dit Michel Lejoyeux...  Il est là l'outrage maximum.

Lu dans Le Figaro

VENANT DE LA CHERCHEUSE VERTICALE

If we sacrifice our honesty and integrity to avoid conflicts and disagreements, we give away the best of what we bring to our relationships


sent to me by LA CHERCHEUSE VERTICALE
Sept. 19th 2012 9h20

MON AMI VICTOR

C'était l'instant funèbre où la nuit est si sombre
Qu'on tremble à chaque pas de réveiller dans l'ombre
Un démon, ivre encor du banquet des sabbats;
Le moment où, liant à peine sa prière,
Le voyageur se hâte à travers la clairière;
C'était l'heure où l'on parle bas!

Victor Hugo

jeudi 27 septembre 2012

LYCÉE LOUIS LE GRAND

«J'ai été élevé pendant sept ans chez des hommes qui se donnent des peines gratuites et infatigables à former l'esprit et les moeurs de la jeunesse.  Depuis quand veut-on que l'on soit sans reconnaissance pour ses maîtres?...  Ils ont pris une soin généreux de mes premières années...  Ils m'ont inspiré le goût des belles-lettres et des sentiments qui feront jusqu'au tombeau la consolation de ma vie.  Rien n'effacera dans mon coeur la mémoire du père PORÉE...  Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses...  J'ai eu le bonheur d'être formé par plus d'un jésuite du caractère du père PORÉE, et je sais qu'il a des successeurs dignes de lui.  Enfin, pendant les sept années que j'ai vécues dans leur maison, qu'ai-je vu chez eux?  La vie la plus laborieuse, la plus frugale, la plus réglée, toutes les heures partagées entre les soins qu'ils nous donnaient et les exercices de leur profession austère.  J'en atteste, des milliers d'hommes élevés par eux comme moi, il n'y en aura pas un seul qui puisse me démentir.»

Voltaire, 
de ses professeurs du Lycée Louis Le Grand

mercredi 26 septembre 2012

LA FACE CACHÉE DES POLITIQUES PUBLIQUES

«Il faut du courage pour être libre, car un homme libre est nécessairement responsable de ses actes et, surtout, de ses échecs.  Peut-être certains préfèrent-ils un socialisme qui les déresponsabilise et qui transfère à l'État le soin de veiller à leur bien-être et l'obligation de subvenir à leur besoin.  La solidarité sociale n'est qu'un écran qui permet aux individus de n'être jamais confrontés à la véritable cause de leur médiocrité, même si cela implique qu'ils doivent défendre de fausses valeurs, faire des compromis idéologiques et appuyer des démagogues irrationnels et parfois malhonnêtes.»

NATHALIE ELGRABLY
«LA FACE CACHÉE DES POLITIQUES PUBLIQUES»
Les Éditions Logiques 2006


Ça m'a fait penser à l'aphorisme de Thucydide:
«Le secret du bonheur, c'est la liberté; et le secret de la liberté, c'est le courage.»



Delhorno


SÉNÈQUE

«Peux-tu me nommer un seul homme qui sache que le temps a un prix, qui fasse l'estimation de la valeur de la journée et qui réalise qu'il meurt un peu chaque jour?  Là est l'erreur, en effet: nous ne voyons la mort que devant nous, alors qu'une grosse partie de la mort est déjà dans notre dos; tout ce que nous laissons derrière nous de notre existence appartient à la mort.  Fais donc, cher Lucilius, comme tu me l'écris: saisis-toi de toutes les heures.  Ainsi tu dépendras moins du lendemain, pour avoir opéré une saisie sur le jour présent.  La vie court pendant qu'on la remet à plus tard.

LETTRES À LUCILIUS
Livre premier
Lettre I
Sénèque

CHICOUTIMI

A tous ceux qui auront oublié
Qu'on ne voit là-bas
Qu'assis sur les épaules
Des colosses du passé
Et qui osent laisser croire
Que ne se peut bâtir l'avenir
Qu'en sabordant CHICOUTIMI!

Je vous le dis, je vous l'affirme,
Je le proclame et le claironne:
Il se trame une infâmie
En terre de Sagamie.
C'est un «NOMICIDE»,
Un drame toponymique.

On est à occire,
On s'apprête à enterrer,
Presque froidement
Quasi sommairement,
Le plus beau nom de cité,
Le vocable le plus riche
Qui se puisse trouver
Au nord du Rio Grande:
CHICOUTIMI.

C'est Rome qu'on élimine,
C'est Paris qu'on assassine,
Car CHICOUTIMI exista
Du temps que la louve allaitait
Et quand Lutèce n'était
Qu'un ilôt dans la Seine.

La tragédie est intime
Délicate et familiale,
Presque suicidaire,
Voire même incestueuse,
Fratricide et matricide.

La victime,
Ses meurtriers,
Ses fossoyeurs,
Sont de génétique
Identique.
Du même sang.
Tous Saguenéens.
Fils de Marguerite,
Fils du voisin Jean,
Gaulois baieriverains,
Marquis jonquiérois.

Il se sera vu
Dans ce Québec défiguré
Une seule capitale régionale
Qui perdit son ombre
A voir sombrer son nom
Dans une sombre fusion.

LE NOM!
Parlons-en
Puisque c'est là toute l'affaire.
Doit considérer
Le passé montagnais,
Le français présent.
Azurer le lys,
Occulter la rose.
Etre original,
Aimablement répété,
Ni trop long,
Ni trop étroit,
Mais toujours inspirer
Le respect comme la fierté.

VILLE DE LA BAIE...
Pèche doublement.
Trop de simplicité,
Piètre originalité,
Périphrase malheureuse.
Hors Bagotville,
Port-Alfred et Grande-Baie,
N'a jamais rien signifié
Et ne peut faire un nom.

JONQUIÈRE...
Eût pu faire l'affaire!
Beau nom français.
Mais français, justement.
Plagiat de douce France
Cachant un obscur marquis...
Ne semblant dans la balance
Peser tout ce qu'il faut
Pour la nommer à propos.

ARVIDA...
Eût été beau.
Mais américain.
Et trop nouveau.

KENOGAMI...
SHIPSHAW...
LATERRIERE...
CANTON TREMBLAY...
Beaux à leur manière.
Beaux pour certains.
N'englobent point assez.

SAGUENAY...
Quoique montagnais,
Trop embrasse!
Montre plutôt
Le pays, la rivière,
Le comté voisin.
Ne désigne, certes non,
Cet endroit stratégique,
Le site historique,
Où le fjord est profond.

Mille alchimistes
En mots et en mystères
Vont nous concocter,
Du passé, du présent
Et de l'autre temps,
Autant de néologismes
Alambiqués...

Pourtant, à Paris, l'Hôtel-Dieu,
Depuis sept cent ans,
Inlassablement demeure
L'Hôtel-Dieu de Paris...

J'ose donc devant vous
Tendre encor le cou
Et noir sur blanc
L'écrire carrément.

Je mourrai coupable,
Gaulois et Marquis,
D'aimer un vocable,
De préférer Chicoutimi.

J'y risque le pire
Car il pourrait m'advenir
Ce qu'on fit récemment 
A certain historien,
Lapidé, guillotiné,,
Pour avoir opiné
Et désiré publiquement
Mourir chicoutimien.

Je n'eus pas vingt ans
Que je l'aimai follement.
Chicoutimi!
Elle était mon égide,
Elle fut mon égérie. 
Montagnaise,
Délurée,
Elle savait Verlaine,
Victor Hugo,
Maria Chapdeleine
Et maître Menaud.

Voilà!  Ma plume fébrile,
Ma plume meurtrie,
Ne cesse de gratter
Son indignation.
A temps prendre parti!
Sauver Rome, sauver Paris!
Garder à ce lieu son nom de jadis,
Son nom d'antan, celui que j'aime:
CHICOUTIMI.

Delhorno



SUR L'ACCENT

Lorsque loin du pays le coeur gros on s'enfuit
L'accent, mais c'est un peu le pays qui vous suit.
Mon accent, il faudrait l'écouter à genoux!
C'est un peu cet accent, invisible bagage,
Le parler de chez soi qu'on emporte en voyage.
Avoir l'accent, enfin, c'est chaque fois que l'on cause,
Parler de son pays...  en parlant d'autre chose.
Ne pas avoir d'accent, pour nous, c'est d'en avoir!

Miguel Zamucol

SAGUENAY

C'est un royaume
Le seul d'Amérique.
Il t'y faut venir
En été surtout
Et s'il se peut
En voiture d'eau.

Partir de Kébec,
De Baie Saint-Paul
Ou de Malbaie,
Sur la Clarisse
Ou la Saint-Irénée.
Car c'est ainsi
Qu'arrivèrent 
Les premiers.

Passer la Pointe aux Alouettes
Et tout de suite
Virer à babord.
Cette «eau qui sort»
Donna son nom
A la rivière
Et au royaume:
SAGUENAY!

Naviguer ensuite
Le fjord
Contre courant
Sur vingt lieues,
Jusqu'où c'est profond:
CHICOUTIMI.
C'est le nom du lieu.
Tu sauras alors
Notre fierté.

Pousser à l'ouest
Davantage,
Ce «lac peu profond»,
PIEKOUAGAMI.
C'est son vrai nom,
Celui que lui donnèrent
Ceux de MASHTEUIATSH.

Passer devant TIKUAPE
Et voguer vers le nord,
Là-bas, cette rivière:
PERIBONKA.
Oui! LOUIS HÉMON
ÉVA BOUCHARD
SAMUEL BÉDARD
Et MARIA CHAPDELEINE.

«Nous sommes venus
Il y a trois cents ans
Et nous sommes restés...»

Quand,
Sur la Racine,
Du quatrième,
Tu me verras,
Vers TADOUSSAC,
Ou bien CHIBOUGAMAU,
Porter ce regard altier,
Sache que
Naître en SAGUENAY
C'est y mourir
Aussi.

Delhorno

mardi 25 septembre 2012

L'HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES

«Pour que le caractère d'un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années.  Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l'idée qui la dirige est d'une générosité sans exemple, s'il est absolument certain qu'elle n'a cherché de récompense nulle part et qu'au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d'erreurs, devant un caractère inoubliable.»

JEAN GIONO

DE JACQUES ET JEAN-PAUL TREMBLAY

Je ne voulais pas venir ni monter sur cette estrade sans être accompagné, grâce à la magie du souvenir et de la pensée, de deux vieux amis.

Le premier se nommait l'abbé Jacques Tremblay.  Il fut mon professeur de littérature française et québécoise.  Je lui dois d'avoir aimé Félix-Antoine Savard, Louis Hémon, Victor Hugo, le frère Untel et la langue française.  Peu avant sa mort il me fit l'honneur de me faire lire ses écrits de retraité.

Le second s'appelait l'abbé Jean-Paul Tremblay ou, nom de plume, Paul Médéric.  Il me demanda de préfacer son livre LOISIR ET LOISIRS en 1965.  Il me présenta Aristote, les Sophistes, Thomas d'Aquin, Gabriel Marcel et bien d'autres.

Quand j'eus 17, 18 et 20 ans, ces deux géants me permirent de grimper sur leurs épaules «pour voir un peu plus loin...»  Je ne l'ai jamais oublié.

Ironie du sort, je ne me souviens plus de l'endroit où j'ai prononcé ce discours...

Delhorno


























L’abbé Jean-Paul-Médéric Tremblay (1918-1999). Historien et philosophe

L’abbé Jean-Paul-Médéric Tremblay est un philosophe et un historien régional qui laisse une oeuvre intellectuelle qui constitue un héritage important pour l’ensemble des Charlevoisiens.
“ Ce que j’ai fait, je l’ai entrepris parce que j’aimais cela. Je n’ai pas eu de permission à demander. Si mon exemple incite à enclencher un mouvement, tant mieux. Je suis conscient d’avoir mené dans Charlevoix une action qui peut avoir des suites ”
(Jean-Paul-Médéric Tremblay . Extrait d’une entrevue datant de 1984)

L’abbé Jean-Paul-Médéric Tremblay est né à Baie-Saint-Paul en 1918. Son père, Médéric Tremblay, est marchand général sur la rue Saint-Joseph à Baie-Saint-Paul. L’abbé Tremblay rend hommage à son père en signant plusieurs de ses ouvrages du nom de Paul Médéric ou encore sous le nom de Jean-Paul-Médéric Tremblay.

Jean-Paul-Médéric Tremblay
Jean-Paul-Médéric Tremblay
Crédit : Société d'histoire de Charlevoix
Baie-Saint-Paul []
Le jeune Jean-Paul Tremblay entreprend des études classiques au Petit Séminaire de Chicoutimi en 1934. Il entre au Grand Séminaire de Chicoutimi en 1940. Il est ordonné prêtre en 1944, à l’âge de 26 ans. Dès lors, il entreprend une carrière dans l’enseignement qui se poursuit près de 40 ans. Il est professeur au Petit Séminaire de Chicoutimi de 1944 à 1967, puis au Collège de Sainte-Foy de 1967 à 1976 et au Campus Notre-Dame-de-Foy de Cap-Rouge de 1976 à 1983.

Très actif auprès des mouvements de jeunes, il agit en tant qu’animateur des Équipiers de Saint-Michel fondé en 1942 et à Coeur-Joie-en-Montagne (le Balcon Vert de Baie-Saint-Paul) à partir de 1948. Directeur et aumônier du cercle local de l’association de jeunesse canadienne-française (A.J.C.), directeur-fondateur de l’Institut Albert-Thomas (1958-1965), directeur de la Société d’études et de conférences pour les régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean de 1959 à 1967, l’abbé Tremblay s’impose aussi dans le domaine du loisir à titre de membre de la commission permanente de la Pastorale du loisir en 1965 et aussi du Comité d’étude sur l’éducation physique, les loisirs et les sports de 1961 à 1963. Jean-Paul-Médéric Tremblay est aussi un membre-fondateur de la Société d’histoire de Charlevoix en 1984, en plus de s’intéresser à une association de généalogie regroupant les familles Tremblay.

Auteur de 18 livres publiés et aussi auteur de nombreux articles, l’abbé Jean-Paul-Médéric-Tremblay est un écrivain chevronné. S’il publie des ouvrages spécialisés sur le loisir ou encore des oeuvres dont la portée est philosophique et chrétienne, la majorité de ses titres traitent de l’histoire régionale de Charlevoix. Il importe en ce domaine de signaler sa trilogie comprenant les ouvrages Les Seigneurs du Gouffre, Messieurs du Séminaire, Tout un été de guerre. Ces livres présentent l’histoire de Baie-Saint-Paul de 1534 à 1780. L’abbé Tremblay publie aussi une somme monumentale sur l’histoire de la famille Tremblay intitulée La Tremblaye millénaire (deux tomes) 

Homme d’idées et de projets, l’abbé Jean-Paul-Médéric Tremblay est considéré comme un précurseur dans le domaine des loisirs et aussi comme un pionnier dans la recherche concernant l’histoire régionale de Charlevoix. En 1989, il reçoit le titre de Grand de Charlevoix, un honneur qui le touche particulièrement. L’abbé Tremblay meurt en mai 1999, après une longue et fructueuse carrière. Dès 2000, une plaque commémorative en son honneur est apposée à la Bibliothèque René-Richard de Baie-Saint-Paul. La même année, un numéro complet de la Revue d’histoire de Charlevoix est consacré à son oeuvre. Il importe de conserver le souvenir de l’abbé Jean-Paul-Médéric et des retombées de ses diverses actions.

Serge Gauthier. Historien et ethnologue. Président de la Société d’histoire de Charlevoix. Notre-Dame-des-Monts. 4 octobre 2002.


Bibliographie :

Gauthier, Serge. “ L’abbé Jean-Paul-Médéric Tremblay ”, Charlevoix, 9(décembre 1989): 17
Voir aussi: “ Jean-Paul-Médéric Tremblay pionnier de l’histoire de Charlevoix ”, Saguenayensia, 26, 2 (avril-juin 1984): 30-32.

Afin de retrouver toute la bibliographie des ouvrages de l’abbé Jean-Paul-Médéric Tremblay et aussi pour connaître son oeuvre il faut consulter:

Revue d’histoire de Charlevoix. Hommage à l’abbé Jean-Paul-Tremblay, 33 (avril 2000). 24 pages. 

DESCONOCIDO

83695
Guy Gilbert devint mon patient.
L'ai opéré hier d'une néoplasie
Et lui fis une proctectomie
Qui se déroula sans incident.

Il se trouve, je ne puis le taire,
Qu'il avait espéré six mois
Un examen sur-nécessaire.
Un test de premier choix.

Cette urgente colposcopie,
Il ne put la subir que la semaine passée.
Retard incroyable: une demi-année.
Peut-on parler d'une infâmie?

En mai, Guy avait rappliqué,
Verbalisant son inquiétude,
S'étonnant, désemparé,
Du peu de sollicitude.

Rien n'y fit.
Il reçut la ration
Du trop-petit.
Celle du troufion.

Les dieux sauront-ils compenser
L'atermoiement thérapeutique?
Esculape, dans sa grande bonté,
Secourt-il le négligé politique?

Jusques-à quand,
Camarade-fonctionnaire,
Mon coeur insolent,
Ma plume égalitaire,
Doivent-ils stigmatiser
L'humiliation?

Jusques-à quand
Ô DSP, ô mon frère,
Leur faudra-t-il celer
Leur indignation?

Delhorno

lundi 24 septembre 2012

JÉRÔME GAUTHIER

Cette histoire est fabuleuse.
Laisse-moi, 
Gibus,
 Mon ami,
A grands traits
Te la brosser.
Car seul je demeure
A pouvoir témoigner.

Il venait à peine
D'avoir vingt ans
Que sa vie achevait.
Assailli sauvagement
Par un sarcome ravageur.
Alité, oui, 
Et mourant,
A peine vingt années. 

On avait tout tenté.
Radiothérapie.
Chimiothérapie.
Hyperalimentation.
Sans succès.

Nous fûmes trois:
Carrier, 
Letellier, 
Dufour.
Nous tentâmes.
Nous extirpâmes.

Ce ne fut pas très sophistiqué...
HÉMIPELVECTOMIE.
Ablation de la moité du bassin
Et de tout le membre inférieur droit.
Mais c'était tout 
Ce que nous pouvions offrir.
C'était tout ce qui pouvait s'offrir.
C'était il y a trente ans.

Dès lors, 
Et dès après,
Il put marcher,
Déambuler,
Courir même
Dans Chicoutimi.
Une jambe,
Une béquille.
Gagner sa vie 
A tout faire
Et, au fil du temps,
Faire n'importe quoi.

Je l'avais oublié.

Il me revient ce soir
Et j'en suis trop ému.
Il saigne sans cesse
De son gros intestin.
Colite ulcéreuse?
Ou granulomateuse?
Qui sait...
Il vient tout juste de resaigner.
Du sang rouge-clair.
Transanalement.
Mais sans syncope,
Sans défaillir.
Il a vomi hier
Et n'a pu remanger.

D'où saigne-t-il?
De son colon?
Ou de son estomac?
Je le saurai, Gibus,
Et te le dirai.

(C'était une colite granulomateuse.
Deux semaines plus tard,
Je dus lui faire une colectomie totale
Et une protectomie.
Ainsi qu'une iléostomie)

Saint-Vallièrement,
Dufour

mardi 11 septembre 2012

DU LATIN «MANERE», i.e «rester»

-Docteur Delhorno, on vous demande à l'urgence.
-Donnez-les moi!
-Bonjour, c'est Sylvie.  J'ai un homme de quarante-cinq ans avec une appendicite aiguë.
-As-tu fait une tomographie axiale?
-Oui, j'ai le rapport qui confirme l'appendicite.
-J'arrive!
-Il y a un petit problème: le gars vient de manger!
-Zut!

Le temps de m'habiller, de démarrer ma Chrysler Sebring, j'arrive dans le stationnement de l'hôpital. 




 J'essaie de me parquer le plus loin possible, histoire de brûler quelques calories supplémentaires en marchant davantage.

-Où se trouve le gars de quarante-cinq ans avec une appendicite?

-Lit numéro six.

Il parlait français avec un accent du vieux pays.  Ça lui faisait mal au point de McBurney.  McBurney?  Ce chirurgien américain du Massachusetts auquel nous devons la description du point de douleur maximale dans l'appendicite aiguë.  Fin du XIXe, début du XXe siècle.

-Antoine, vous souffrez d'une appendicite aiguë.  Votre appendice est gonflé, comme si un lombric avait avalé une grenouille.  Je vous recommande l'opération.  Étant donné que vous venez tout juste de manger, nous ne pourrons procéder que dans six heures.  L'intervention sera faite par laparoscopie, c'est-à-dire à l'aide de quatre petits trous dans le ventre.  En passant, où êtes-vous né, Antoine?
-Je suis Breton, natif de Brest.  Par contre, je demeure pas très loin de Poitiers maintenant.

Je l'opérai à vingt-et-une heures.  Sans incident.  Le lendemain, il retournait chez lui.

Mon point?  Son utilisation d'un adjectif que je n'avais jamais entendu dans ma vie jusqu'à sa venue à l'urgence de l'hôpital de Campbellton:  rémanentes.  Sur-le-champ, des souvenirs se mirent à clignoter dans mon cerveau quasi septuagénaire:  «remain, remaining, permanent, verba volant scripta manent, le frère Raymond, Eléments latins, Collège Saint-Edouard, Port-Alfred, 1957.

Lors de mon questionnaire à son chevet, Antoine, décrivant le mal qui l'avait assailli, ajouta presque subliminalement que le dimanche, c'est-à-dire la veille de sa venue à l'urgence, il avait ressenti «des douleurs rémanentes».  Quel plaisir, quelle surprise d'entendre ce vocable nouveau!  Aussitôt retourné au poste infirmier, je trouvai un Petit Robert et cherchai confirmation de mon intuition: rémanent, du latin remanens, participe présent de remanere, «persister», «subsister».  Donc, des douleurs «persistantes».

Le lendemain de l'intervention, je m'enquis de son utilisation de l'adjectif en cause.  Je lui avouai mon ignorance de ce vocable qui m'avait semblé sortir de sa bouche  comme s'il avait fait partie de son être depuis toujours.  Il baissa les paupières, intimidé. 
-J'ai aimé la langue française toute ma vie. 

Il n'était pas le pauvre diable de l'Hexagone arrivé à Charlo en Acadie faute de mieux...  Voyageur de commerce cette dernière décade, il s'était adonné à l'apiculture par loisir.  Une agente d'immigration du Nouveau-Brunswick, de passage à Poitiers, lui avait confié connaître quelqu'un à Charlo qui avait besoin d'un apiculteur. «Il ne faut pas refuser l'insolite lorsqu'il se présente» aurait sans doute répondu Agatha Christie.  De fil en aiguille, Antoine s'était retrouvé à Charlo, apiculteur.  Sa logeuse l'avait amené à l'hôpital.  Il adorait la parlure acadienne, laquelle lui faisait retrouver des expressions marines des XVe et XVIe siècles, expressions qui n'avaient plus cours en France, sauf en Bretagne, possiblement.  De plus, sa venue en Acadie lui permettait d'oeuvrer comme apiculteur, ce que la France «psycho-crispée» lui refusait. J'aurais voulu lui parler des abeilles, de leur taux de mortalité, de Virgile, de pollinisation...  Le temps manquait.

Sais-tu, Gibus, durant toute cette affaire, j'ai pensé à Louis Hémon.  Je me suis demandé si cet Antoine amoureux du français et de l'Acadie ne serait pas notre prochain Louis Hémon...  Il est encore permis de rêver, n'est-ce pas?

Delhorno

                                                     

mardi 21 août 2012

CET ÂGE EST SANS PITIÉ...

Lu dans La Presse tout à l'heure: les fermiers québécois pourront dorénavant acheter des semences de maïs non enrobées de pesticides et d'insecticides.  Une chercheuse de l'UQUAM a commenté:  «Si l'insecticide n'est pas là, c'est sûr que c'est un risque de mortalité de moins chez les abeilles», a indiqué Monique Boily, professeure au département des sciences biologiques de l'UQAM.»


Ça m'a fait penser qu'il n'y a pas longtemps que je me suis réveillé, pour ce qui touche les abeilles...  Grâce à «LA SEMAINE VERTE» surtout, mais aussi grâce à quelques lectures ça et là.  Les immenses champs de bleuets du Lac St-Jean, tu connais Gibus?  Eh bien!  Ils produisent leurs tonnes de myrtilles grâce à la pollinisation des abeilles.  L'article de La Presse en remet: plus de 70 des 100 espèces végétales qui fournissent 90% de la nourriture dans le monde sont fécondées grâce aux abeilles, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).  Voilà!

Un autre souvenir...  Début des années cinquante, Cinquième Avenue, Port-Alfred.  Un de nos loisirs, c'était de capturer des taons et des abeilles dans des bocaux de verre.  Nous percions des trous dans le couvercle de métal pour leur permettre de respirer.  Quelquefois, nous ajoutions des pissenlits dans leur prison dans la pensée que pourraient se nourrir un peu ces amis de Virgile:

 «D'ailleurs, quand le soleil d'or a mis l'hiver en fuite et l'a relégué sous la terre, quand le ciel s'est rouvert à l'été lumineux, aussitôt les abeilles parcourent les fourrés et les bois, butinent les fleurs vermeilles, et effleurent, légères, la surface des cours d'eau.

Transportées alors de je ne sais quelle douceur de vivre, elles choyent leurs couvées et leurs nids; elles façonnent alors avec art la cire nouvelle et composent un miel consistant.
Plus tard, quand tu verras en levant les yeux l'essaim sorti de la ruche nager dans le limpide azur vers les astres du ciel, [4,60] et que, étonné, tu l'apercevras qui flotte au gré du vent comme une nuée sombre, suis-le des yeux : toujours il va chercher des eaux douces et des toits de feuillages. Répands, dans ces lieux, les senteurs que je préconise : la mélisse broyée et l'herbe commune de la cérinthe; fais-y retentir l'airain et agite à l'entour les cymbales de la Mère. D'elles-mêmes, les abeilles se poseront aux emplacements ainsi préparés; d'elles-mêmes, elles s'enfermeront, suivant leur habitude, dans leur nouveau berceau.»  Les Géorgiques.

Le soir venu, nous oubliions les pots sur la galerie de la maison pour constater le lendemain les décès catastrophiques de nos prisonnières.  Bien des années plus tard, et bien des années trop tard, je me suis mis à lire La Fontaine:  LES DEUX PIGEONS.  Je te copie, Gibus, ce bout de fable que je n'ai plus jamais oublié.













Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié
Prit sa fronde, et, du coup, tua plus d'à moitié
            La Volatile (10) malheureuse,
       Qui, maudissant sa curiosité,
            Traînant l'aile et tirant le pié,
            Demi-morte et demi-boiteuse,
            Droit au logis s'en retourna :
            Que bien, que mal  elle arriva
            Sans autre aventure fâcheuse.




Vrai que cet âge est sans pitié.  Des centaines d'abeilles des années cinquante sont disparues de l'air baieriverain par notre action friponne.

Finalement et entre nous, mon cher Gibus, mon émerveillement  devant le monde des abeilles ne manque jamais de me rappeler  ces lignes fameuses de Jean-Marie Arouet, dit Voltaire:


«L'univers m'embarrasse,  et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger.»  

Delhorno